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292 BËBANGER — Certes, nous n'avons pas entendu dire que ses pamphlets dussent être récités comme on a chanté Béranger, mais nous avons voulu faire voir seulement que le nom même de Courier est inconnu au peuple, si familier avec Béranger. C'est peut-être même par un besoin de se communiquer à cette humble partie de la nation, dont il se rapproche avec bonheur, que Béranger s'est renfermé dans la forme nationale de la chanson. Comme nous l'avons dit, il s'essaya dans plusieurs genres, même dans la satire, dont l'odieux ne pouvait plaire à sa bonhomie; mais lorsqu'il eut créé quelques-uns de ces petits chefs-d'œuvre, qu'il faut bien appeler Chansons, faute d'un autre nom, il comprit vîte que c'était là , désormais, sa parole pour parler aux masses; et, si l'on n'en avait pour preuves ses déclarations à ses amis et sa persévérance à faire de la chanson l'unique expression de sa pensée, on en trouverait une décisive dans sa vocation, dont le ton rappelle les vieilles ballades les plus naïves et les plus louchantes : Jeté sur cette boule Laid, chétif et souffrant, Etouffé dans la foule Faute d'être assez grand , Une plainte touchante De ma bouche sortit, Le bon Dieu me dit : Chante, Chante, pauvre petit. O divin Lafontaine, vous avez trouvé un rival ! En repoussant tout autre titre que celui de chansonnier, Béranger a été si bien apprécié qu'il a acquis tous les genres de célébrité littéraire ; aucun éloge ne lui a manqué : poète, tour à tour sublime, énergique et tendre, joyeux jusqu'à la folie, mélancolique jusqu'à tirer des larmes, comme dans les