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ET PAUL-LOUIS COURIER. 289 tous deux défendant les intérêts du peuple, l'un est-il toujours populaire et l'autre ne l'est-il plus, ne l'a—l—il même jamais été? — C'est que la vraie simplicité n'est pas une combinais son de l'esprit; elle part du cœur, et l'on peut dire, en chan- geant un vers connu : Ce que le cœur sent bien s'exprime simplement. Or, comme notre Lafontaine, dont il a la fine bonhomie, l'abondance, le tour heureux et sans effort, Béranger écrit surtout avec le cœur. Puisées à cette source, ses pensées, sa parole ont cette couleur qui plaît au peuple, parce qu'il s'y reconnaît. Mais Courier, a demandé à son esprit ce que le sentiment pouvait seul lui donner; il a cru trouver la simpli- cité, et n'en a rencontré que la manière. — Aussi a-t-il pro- duit des effets bien différents de ceux qu'il attendait. Que voulait-il, en effet? traduire cette bonhomie narquoise du paysan du centre de la France, atteindre à la naïveté de l'ex- pression cachant la sagacité naturelle et l'inflexible bon sens. Eh bien ! j'ose le dire, il a manqué son but : il a été admi- rable, mais autrement. Son talent, ses titres aujourd'hui, sont dans cette facture habile, finie, savante. En vain prend-il le Ion et l'accent d'un villageois de la Touraine, on s'aperçoit qu'il sait le grec et qu'il a lu Aristophane. Il y a un travail si manifeste dans Courier, on le sent si bien ce travail, qu'aujourd'hui, l'intérêt du moment n'y étant plus, on se prend souvent à s'occuper encore plus des efforts de l'artiste que du but où il a voulu atteindre, des moyens que du ré- sultat : on se complaît dans cette parfaite connaissance de chaque mot, de chaque tour, dans cette habileté qui manque précisément son but par l'excès ; car, manier ainsi notre langue, cela accuse une érudition énorme, et le savant Courier n'est pas aussi paysan qu'il veut bien le dire ; il a fait autre chose que tailler sa vigne de la Chavonnière. 19