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DE JOSEPH DE MAISTKE. 239 Quant a vous, Monsieur, c'est tout autre chose; vous m'aimez tout bas, dites-vous, depuis trente ans. Vous ne sauriez croire à quel point cette charmante expression m'a touché. Je ne puis vous la renvoyer, puisque je n'avais pas l'honneur de vous connaître. Ce que je puis bien vous assu- rer, c'est que mes premières relations m'ont inspiré pour vous une confiance sans bornes. Vous l'avez vu et vous le verrez encore mieux, quand vous lirez la seconde édition. Certainement, Monsieur, l'ouvrage vous appartient en gran- de partie, ce qui motivait complètement la proposition que j'avais cru pouvoir vous adresser. Cependant, vous la repous- sez d'une manière qui ne me permet pas d'insister. Quanquam ô.... mais, puisque vous le voulez, taisons- nous donc au moins pour ce moment. J'espère, Monsieur, que mon ouvrage demeurera toujours dans votre bibliothè- que comme un monument qui vous sera cher à double titre, mais je ne cesserai de penser, en le voyant, que sans vous il n'existerait pas, ou qu'il vaudrait beaucoup moins. A Ro- me, on n'a point compris cet ouvrage au premier coup d'oeil, mais la seconde lecture m'a été tout à fait favorable. Ils sont fort ébahis de ce nouveau système, et ont peine à compren- dre comment on peut proposer à Rome de nouvelles vues sur le pape; cependant, il faut bien en venir là . — Il peut se faire que Ja seconde édition soit dédiée au pape ; ce point n'est pas encore décidé. Dès que cette œuvre sera terminée, je mettrai fin au second volume des Soirées de Saint-Péters- bourg. Le premier est fait et parfait, et déjà il a pris son vol vers la grande Lulèce. Les Soirées sont mon ouvrage chéri. J'y ai versé ma tête; ainsi, Monsieur, vous y verrez peu de chose peut-être, mais, au moins, tout ce que je sais, j'y ai fait entrer un cours complet d'illuminisme moderne, qui ne manquera pas de vous amuser. C'est le temps, au reste, qui est mon grand persécuteur ; il me tue, Monsieur,