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VI                  I.E LIEVRE ET LA TAUPE.

     Je me gîte : en tout temps les lièvres, Dieu merci,
     Trouvèrent un refuge auprès de vos demeures.
     Que le ciel vous y garde exempte de souci!
     Moi, toujours menacé, de l'aube au soir je veille,
     Et si je sors, je sors les yeux ouverts, l'oreille
     Tendue incessamment; je crains, au moindre bruit,
     Hommes et chiens le jour, loups et renards la nuit;
     Peut-on voir une'vie à la mienne pareille !
     — Hé quoi ! vous n'avez pas de souterrain séjour
     Pour vous cacher?—Aucun.—Vous broutez au grand jour ?
     Imprudent ! Vous savez vous défendre sans doute ?
     — Point : pour me dérober aux maux que je redoute,
     J'ai des jambes, je fuis ; c'est tout. — Quelle pitié!
     Ecoutez, je me sens pour vous de l'amitié :
     Voulez-vous vivre heureux, sans trouble, sans alarmes?
     Vivez seul, pour vous seul, en quelque obscur réduit.
     Prenez, pour vous cacher, les couleurs de la nuit,
     Habit noir comme moi. Celte vie a des charmes ;
     Elle est sûre : la fourbe, ami, voilà nos armes.
     D'ailleurs, vous ne quittez du monde seulement
              Que son bruit, ses plaisirs, ses fêtes,
     Et non ce qu'on en peut tirer secrètement
              Ou de profit ou d'agrément.
     Les gens ne vous font plus de mal, vous leur en faites;
              C'est là le divertissement.
     Et, tenez, en creusant mes longues galeries,
     Mes mille corridors, j'ai miné ces prairies;
     Le dommage est partout, je ne suis nulle part :
     On vient pour me saisir, sans m'avoir vue on part.
     Plus le maître du champ jure, tempête, enrage,
     Plus je ris dans mon trou, bénissant mon ouvrage.
     Ainsi, par cent détours je me pousse, je vais
     Où je veux : venez donc avec moi... — Non, je hais,