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    Tous les arts humains ont, quoiqu'ils fassent, leur théorie, et même,
cl surtout peut-être, celui qui s'est annoncé avec la prétention d'a-
 bolir toutes les théories. La littérature moderne, sortie en même
temps des sources germaniques et de l'école des historiens contempo-
 rains, s'est proposé pour but, si nous no nous trompons, de substi-
tuer la réalité à la vérité abstraite et générale vers laquelle tendait
surtout l'école du x v n e siècle, et. dentelle plaçait volontiers le type
dans son époque. Tandis que les maîtres de ce temps cherchaient à
peindre l'homme sous la forme héroïque et complète, et sans oublier
jamais les principes convenus d'une beauté idéale, les maîtres d'au-
jourd'hui veulent placer sous nos yeux des hommes qui se meuvent
librement sous l'impulsion de passions réellement, exclusivement
humaines, avec leurs contradictions et leurs soubresauts, avec le ca-
ractère spécial que leur impriment une époque déterminée et les cir-
constances environnantes. Les uns, croyant saisir la nature essen-
tielle du cœur humain, se préoccupaient peu des temps et de l'his-
toire; les autres, qui n'ont guère de foi dans l'absolu, s'efforcent
de reproduire chaque époque dans sa vérité critique, la vie humaine
sous tous ses aspects, et proclament légitime et digne de Fart l'alli-
ance de la tragédie et de la comédie, unis en effet dans la réalité.
L'art passé, quand il trouvait dans les traditions une figure qui lui
semblait digne de son ciseau, la taillait, l'émondait à sa guise, ajou-
tait ici, retranchait là, pour la rendre conforme à son moule idéal ;
l'art moderne se pique d'un pinceau fidèle et reproduit ses héros tels
que l'histoire les lui livre. Les mœurs curieusement observées, scru-
puleusement peintes, créent un moyen d'effet qu'on peu dire nou-
veau tant il a acquis d'importance , la couleur locale; le langage
dramatique subit la même influence : il descend résolument dans la
prose, ou bien, s'il conserve le vers, il l'assoupit à toutes les formes
de la passion, il le brise, il le heurte au mot propre; c'est peu pour
 lui de trouver l'accent du cœur, il veut saisir le cri entrecoupé de
la pensée, sa mobilité capricieuse, ses inconséquences et ses écarts
  rapides. Sans doute dans la pratique ces principes ont été souvent
 méconnus , on ne souffre pas toujours la loi qu'on a faite. Dégoûté
 des héros, on a passé pardessus les hommes pour nous peindre des
 monstres, recherchant avec plaisirs les difformités, comme les aïeux