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408 Ne pensez-vous point qu'après tout les tentatives aventu- reuses de Victor Hugo et d'Alexandre Dumas ont une grande valeur de nouveauté, de passion et de puissance dramatique? A le bien prendre, et, au milieu de leurs êtrangetès et de leurs vigoureux écarts, n'ont-ils pas puisé, ceux-là , à de grandes sources tragiques? Qu'il se présente un homme qui vous dise : J'ai tenté des routes nouvelles; j'ai trouvé la voie rude et j'y ai fait plus d'un faux pas; mais, enfin, j'ai fait œuvre bruyante en mon temps ; j'ai remué des idées ; j'ai soufflé l'orage ; les passions se sont ameutées autour de moi, et, qu'il faille le déplorer ou s'en applaudir, j'ai puis- samment remué mon époque. Vous ne manquerez pas de répondre à celui-là : homme, vous êtes grand et fort, car il n'y a que les puissants qui soulèvent les tempêtes. Ainsi donc, laissant dans l'oubli les querelles vaines et les frivoles distinctions d'école, ayons quelque respect pour les œuvres et pour les hommes de valeur, et rendons enfin à notre époque ce qui est dû à notre époque ; cessons nos lâches discours ; quittons les airs découragés et contemp- teurs , et , comme dit Béranger , prenons pitié de noire gloire. N'oublions pas, d'ailleurs, que les jugements contemporains sont souvent fautifs; que l'histoire littéraire est pleine d'er- reurs contemporaines et de réhabilitations tardives. Peut-être nos mépris du moment nous imposeront des expiations un jour. On sait qu'il y a des destinées, surtout au théâtre, et des conditions de succès et de chute en dehors des prévisions de l'art. Il n'est pas besoin de redire la vieille histoire des chefs-d'œuvre méconnus et des brusques revirements qui tour- nent les douleurs en croyants, et les insulteurs en thurifé- raires. Combien de fois n'a-t-on pas adoré ce qu'on avait brûlé, et brûlé ce qu'on avait adoré? On sait les insultes faites à Phèdre, et les doutes qui accueillirent Alhalie. Certes,