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  sanc.e d'un grand nombre de langues ; mais la vérité est qu'il est plutôt besoin
  d'être psychologue que polyglotte, et qu'on procède plus sûrement en étudiant
  la parole dans sa source qui est la pensée, qu'en l'observant dans les faits.
  C'est pourquoi, voulant savoir combien il y a d'espèces de mots, il cherche de
  combien d'espèces .sont nos idées, et trouve qu'elles ont toutes pour objet la
 substance, le mode ou le rapport du mode à la substance : De là trois classes
 de mots, Substantifs, Mod/Jicatifs, Relatifs, où ils les range tous en vertu de
 leur nature, sans égard pour les propriétés accidentelles qui ont trop longtemps
 servi de base au classement qu'on en a fait et au nom qu'on leur a imposé. La
 théorie du verbe unique sort de celle première analyse : le jugement est la per-
 ception de la relation qui lie un mode à une substance, une qualité à un être ;
 le sujet et l'attribut varient, mais le rapport qui les unit ne change pas, non
 plus que le signe qui l'exprime. La multiplicité du verbe n'est donc qu'appa-
 rente et lient à ce que certains mots, que l'auteur nomme synthétiques, com-
 prennent souvent deux termes et mémos trois dans certaines langues : le sujet,
 l'attribut et la marque de leur coexistence.
     Nous ne pouvons suivre M . Clément dans le détail de ces idées qu'il n'a pas
 seulement le mérite d'avoir coordonnées, car un grand nombre lui appartient
 en propre. Il n'est guère possible d'être plus clair, et il ne faut pas recomman-
 der un autre guide à ceux qui, non contents de savoir qu'ils font de la prose;,
 veulent savoir comment ils la font, et consentent à réfléchir une fois sur un acte
 de tous les jours.
     L'auteur, de même qu'il fait précéder la grammaire particulière par la
 grammaire générale, nous introduit à l'étude de celle-ci par des considérations
 sur le langage pris dans son sens le plus étendu et sur l'origine de la parole. Le
 langage est la manifestation de l'esprit par la matière. La création nous révèle
la pensée divine. L'organisme est aussi un langage, mais involontaire, et
par lequel l'ame est exprimée plutôt qu'elle ne s'exprime. Rien de plus juste
 que ce qui est dit de la physionomie comme expression des mœurs et des habi-
 tudes de l'ame. À la façon dont il traite du langage des arts, on sent que l'au-
 teur les comprend et les aime ; son style, toujours clair et élégant, s'élève et
s'échauffe quand il en parle. Passant de ce langage synthétique et un peu vague
à celui de la parole analytique et précis, il s'occupe de son origine, et sur ce
point, adopte pleinement la théorie célèbre de M. de Bonald. Elle nous vient
d'une école qui s'était donné mission de jeter dans le champ des idées la base
d'un édifice politique, et c'est là, en effet, qu'elle devait naître. Dieu n'a rien
à p e r d r e , il est vrai, d'être adoré et loué dans une langue qu'il n'a pas faite
lui-même, mais quelques hommes ont beaucoup à gagner de démontrer l'im-
puissance radicale de la raison; car si Dieu, en nous créant, n'a mis en
nous aucun germe des vérités morales et intellectuelles, et si nous avons
tout reçu avec la parole par une révélation spéciale, c'est à cette source
qu'il faut remonter par la tradition, ce sont ses conservateurs qu'il faut inter-
roger et non plus la raison. M. Clément n'a pas été égaré par ces préoccupa-
tions qui lui sont étrangères, mais par une polémique ingénieuse, habile à se
prévaloir de la manière fausse dont on a conçu et représenté quelquefois la
formation des langues, comme aussi à transformer en impossibilité toute diffi-
culté qu'elle rencontre. Ici, toute l'erreur a pour principe l'identification qu'on
fait de la pensée et de la parole : si l'on suppose que la pensée dépend du
langage pour son premier acte, aussi bien que pour son développement, évi-
demment, n'ayant envers lui ni prééminence, ni préexistence, elle n'a pu le
produire, et l'origine en doit être miraculeuse. M . de Bonald appuie sa ma-
nière de concevoir la parole ne faisant qu'un avec la pensée, et cependant en
étant distincte par l'analogie du Verbe dans son rapport avec le Père* En vérité,