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l'esprit, et presque imbécillité. Cette succession perfide de
deux états si opposés, est ce qui entraîne ces malheureux à
une répétition toujours plus rapprochée, de leur dose d'o-
pium.
   Eh ! bien, la description des effets de l'opium ne peut-elle
pas s'appliquer a nos ivrognes, et surtout aux buveurs d'eau-
de-vie? Et l'histoire de l'eau-de-vie serait aussi la même.
Fabriquée d'abord au XIII e siècle par les Arabes, elle fut
employée, dans le principe, comme médicament. Elle est
devenue d'un usage général dans le nord de l'Europe, et
les Occidentaux l'ont répandue sur tout le globe. On en fa-
brique avec tout ce qui peut fermenter, vin, grains, fruits, de
toute espèce, racines, pommes de terre. Les philanthropes
qui font de si belles phrases sur l'empoisonnement des Chi-
nois, devraient bien jeter les yeux sur l'Europe septentrio-
nale. Dans nos départements du nord et de l'Alsace, dans
l'Allemagne, combien sont ainsi empoisonnés avec l'eau-de-
vie de pommes de terre? Le fermier, le propriétaire qui,
chaque, matin, donne de l'eau-de-vie à son jeune ouvrier de
quatorze à quinze ans, encore à jeun, l'empoisonne d'une ma-
nière atroce. Il empoisonne toute son existence, illui en donne
l'habitude. Peu lui importe que ce jeune homme en boive e n -
suite toute la journée, peu lui importe qu'il soit vieux à
quarante ans ; que, malgré l'aiguillon de la faim, il n'ait
d'argent que pour acheter de l'eau-de-vie, jusqu'à ce qu'en-
fin le terrible delirium tremens lui empêche de porter à la
bouche le verre rempli de la liqueur séduisante. Peu lui i m -
porte, dis-je; son calcul est facile à faire. Il a besoin, chaque
matin, d'une activité qui produise un travail équivalent à un
franc; avec cinq centimes d'eau-de-vie il obtient celte activité;
pourl'obtenir au moyen d'aliments sains et nourrissants, il
lui en coûterait peut-être cinquante centimes. Il gagne donc
 9 pour 1 à l'exciter, au lieu de le nourrir.