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47 ment un zéro, et vous aurez 900,000 victimes. Non, non, dît tin troisième, ce n'est pas assez; ne savez-vous pas que le pauvre diable qui ne peut acheter l'opium frais, se procure celui qui a déjà servi, comme nos pauvres fumeurs bourrent leurs pipes avec les bouts de cigarres ramassés dans les cafés? ils s'empoisonnent par charité; ainsi doublez le nombre, et vous aurez 1,800,000. On peut môme avouer que tous ceux qui fument de l'o- pium ne sont pas pour cela empoisonnés. Un observateur moins prévenu, Crawford, dit en parlant de cet usage : « L'opium, pris modérément, ne parait pas exercer une ac- tion destructrice de la constitution; en excès, il est nuisible comme toutes les substances narcotiques, mais pas plus que toutes celles qui déterminent l'ivresse. Un fumeur d'opium endurci est décrié comme l'est chez nous celui qui s'enivre avec le vin et l'eau-de-vie. » En Orient, on reproche à quelqu'un d'avoir mangé de l'opium, comme en Europe on lui reproche d'être ivre. Comme chez nous, l'un préfère le Cham- pagne, l'autre le Bordeaux, l'autre le rhum ou le kirsch, ou l'eau-de-vie ; de même en Orient, l'un préfère l'opium de Behar, un autre celui de Benares, ou de Malwa ou de Smyrne. Pas plus qu'à nos ivrognes, les caricatures ne leur ont fait défaut. En voici une publiée à Canton : sur la pre- mière feuille on voit un riche héritier, brillant de fraîcheur et de jeunesse ; à sa droite, est un coffre rempli d'or et d'argent; à sa gauche, un domestique prépare de l'opium. Sur la se- conde feuille, il est représenté étendu sur un riche canapé, la pipe à la bouche, entouré de femmes et de musiciens. La troisième feuille le représente pâle, altéré, mécontent, éten- du tristement sur son lit, sa femme regarde avec effroi le coffre vide. Dans la quatrième, il est assis sur un mauvais grabat, sa respiration est gênée ; sa femme furieuse brise les pipes, et son enfant bat des mains. Sur la cinquième, il est