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384 Entre i état de la religion dominante et celui de la religion libre , il y en a , sans doute, un troisiè- me , celui de la religion protégée. Mais la religion était protégée en Allemagne et en Angleterre, lorsque la réforme protestante y a éclaté avec tant de furie; elle était aussi protégée en France, le royaume très chrétien, lorsque la réforme philosophique en a fait le théâtre de ses con- quêtes. On objectera que le protestantisme a été secondé par la défection des princes régnants en Allemagne et en Angleterre ; qu'en France la philosophie du XVIII e siècle s'est glissée au milieu des divisions de l'Eglise, de l'oppo- sition des parlements, et a été favorisée par la connivence des grands et la corruption de la cour. Mais, enfin, est-ce que la presse était libre à ces époques? Et si l'on veut que les puissances temporelles soient armées du glaive pour défendre la foi, ce même glaive ne servira-t-il pas à la persécuter quand l'erreur se sera assise dans les conseils des princes ? Après un Constantin, ne viendra-t-il pas un Constance suivi d'un Julien l'Apostat ? Si l'Eglise s'appuie sur l'épée d'un Théodose-le-Grand, elle a aussi à gémir du fanatisme hérétique d'un Valens. Mais dans l'état actuel du monde, où donc aujourd'hui chercherait-elle cet appui extérieur? Les princes les plus puissants sont schismatiques ou hérétiques. Dans les autres états règne l'ordre consti- tutionnel qui a pour premier principe la liberté de con- science. A peine peut-on citer en Europe un ou deux mo- narques absolus professant et protégeant la religion catho- lique, et encore se piquent-ils d'indépendance vis-à -vis de la cour de Rome. Cette cour ressent comme un lourd far- deau et un danger menaçant la protection du plus puissant de ces monarques. Qui oserait assurer que les dominateurs de l'Italie ne se brouilleront pas dans un délai plus ou