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taît la liberté de la presse, naguère étouffée sous les let-
tres de cachet, maintenant hardie, pressante, impérieuse
depuis Voltaire et Beaumarchais. Entraîné par sa fougue
ambitieuse, Mirabeau voulait alors s'emparer de ces
deux leviers qui soulèvent les nations, le journalisme et
la tribune ; il pressentit le talent de ce jeune auteur de
vingt-deux ans, et l'associa à la rédaction du Courrier de
Provence, où brillait avec tant d'éclat l'éloquence du
député effrayant de laideur et de génie. Au fort de la
Terreur, en 1794, paraît la Décade philosophique, revue
périodique, profonde comme le Tiambler de Johnson,
et brillante comme le Spectator de Steelle. Say en était
le rédacteur en chef; Chamfort, Ginguené, Amaury
Duval et le spirituel Andrieux lui avaient assuré le con-
cours de leurs talents pour propager les lumières et dé-
fendre la morale et la liberté. La Décade fut suppri-
mée en l'an XII. La Terreur disparut : c'était l'époque où
se révélait dans nos armées cet homme extraordinaire
que les exploits fabuleux d'Italie, d'Egypte, que les noms
à jamais célèbres d'Aréole et des Pyramides, de Rivoli et
d'Àboukîr avaient fait grand comme le monde. « La
France était folle de cet homme-là, pour ne pas dire
amoureuse. » Say partagea l'enthousiasme général ; on
oubliait le 18 brumaire ; le consulat paraissait ouvrir une
ère de grandeur et de prospérité, et il ajoutait foi aux
promesses du vainqueur, alors que celui-ci lui disait :
 « Pensez-vous que je sois assez fou pour recommencer,
au dix-neuvième siècle, le rôle de César ou celui de
Cromvell ! » Nommé tribun (novembre 1799,) il remplit
sa mission avec une noble fermeté, et son intégrité lui
mérita l'estime de ses collègues. L'armée d'Orient venait
de triompher à Héliopolis; le tribunat chargea J.-B. Say
d'appuyer, auprès du corps législatif, le projet de loi
tendant à déclarer que les vainqueurs des Pyramides
avaient bien mérité de la patrie. Lui imposer cette belle
tâche, c'était lui confier aussi le soin d'honorer la mé-
 moire des braves qui avaient succombé. Et le jeune tri-
bun avait perdu son frère sous les murs de Saint-Jean
 d'Acre, frappé à la fois par l'ennemi et par la peste. Cet
 ami d'enfance auquel il avait révélé ses pensées de libé-
 ralisme, ses idées-mères d'économie politique, c'était le