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Ã5S la barbarie. On a vu sur les côtes de Syrie comment une poignée d'hommes, dirigés par l'intelligence européenne, a culbuté ces esclaves ignorants habillés en soldats et dressés à la baguette. Pendant que d'autres ouvrent au monde la route des Indes et en auront tous les avantages, que fait la France? Sembla- ble à un taureau furieux, elle frappe l'Atlas à coups redou- blés. Et quand elle percerait, quand elle briserait cette mu- raille de l'Afrique large et compacte, trouvera-t-elle là un cours d'eau navigable pour pénétrer dans l'intérieur du continent? Non, elle arrivera au désert , au désert immense où les routes sont jalonnées par les squelettes des voya- geurs et de leurs chameaux! Si les gouvernements de l'Europe ne peuvent s'unir pour émanciper les chrétiens de l'Orient, et y faire prédominer la civilisation européenne, les peuples peuvent s'entendre et les pousser à cette Å“uvre toute dans l'intérêt du monde et de l'humanité. Mieux que les ministres, ils comprennent le lan- gage de leurs frères opprimés, et entendent leurs cris de dé- tresse. Puissent les gouvernements écouter les enseignements de la justice, et les désirs des nations d'où émane leur force ! Eh ! bien, ce qu'on a fait pour les Grecs lorsqu'ils se débats taient sous le cimeterre turc, on peut le faire pour les peu- plades chrétiennes de la Syrie. Depuis assez longtemps elles luttent pour défendre leur indépendance; elles ont payé de leur sang le droit d'être aidées. Aucun despotisme n'a pu les abattre, et aujourd'hui encore elles sont en armes; elles ne veulent ni du despotisme égjrptien, ni du despotisme anglo- turc. Ces peuples peuvent fournir les éléments d'un état chré- tien en Orient. Qui sait? au fond d'un golfe de la Syrie peut se renouveller le miracle de Navarin. LORTET. Lyon, le 25 décembre 1840.