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  nous ne la craignons pas, devons-nous l'aimer? Devons-nous
  la désirer.
     Qu'est-ce que la guerre en elle-même? Rien que l'exerci-
  ce brutal d'un instinct tout animal de l'homme, et trop
  souvent un jeu féroce de gladiateurs entrepris pour satis-
  faire les vengeances, l'amour propre des gouvernements ou
  même de leurs maîtresses capricieuses. Ce n'est qu'une chas-
  se à courre, disait Bonaparte après la victoire de Marengo.
  Qu'est-ce que la guerre? disait encore Napoléon devant
  Moscou, un métier de barbares, où tout l'art consiste à être
  le plus fort sur un point donné.
     Qu'est-ce que la guerre dans l'enfance des sociétés ? Elle
 est le premier et le plus efficace moyen de civilisation. C'est
 par la guerre que les familles éparses apprennent à se
 réunir, à s'associer. Cette organisation militaire toute gros-
 sière, renferme déjà le germe de l'organisation civile qui
 lui succédera. C'est par la guerre qu'une peuplade devient
 une nation; c'est par la guerre qu'un peuple apprend
  d'abord à connaître ses voisins , à se connaître lui-
  même.
    Mais, dans l'état actuel de l'Europe, nous ne pouvons ad-
 mettre le principe de Spinosa : que le droit et la force sont
 un. Dans l'Europe où toutes les nations sont égales par
 leurs lumières, par leurs besoins, par leurs souffrances, par
 leurs désirs, le gaspillage des bivouacs ne profitera jamais
 aux peuples, la guerre sera presque toujours un obstacle
 au progrès, et sa torche incendiaire fera pâlir les lumières
 de la civilisation.
    Voilà ce qu'est la guerre. Si nous sommes contraints à
l'accepter pour défendre nos droits à l'égalité européenne,
craignons le despotisme qui naît dans les camps; n'oublions
jamais qu'avec le même fer qui a gagné des batailles, on
forge les ciseaux de la censure et les verroux des bastilles.