Revue du Lyonnais » série 1 - n°12 ( 1840 ) » pp.312

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de la dissection scrupuleuse des sentiments, aperçoit aussi
plus clairement la nullité de la fable , Fallanguissement de
l'intérêt, le vide de l'action. On demeure convaincu que
Racine est un génie admirable, un peintre merveilleux du
cœur humain , un écrivain du plus beau style ; mais on
n'est pas moins forcé de remarquer que, soit défaut de
nature, soit résultat du temps et des circonstances, il a
ignoré l'art d'engendrer le mouvement scénique par le
choc redoublé des obstacles extérieurs contre la passion.
Une fois le rideau tombé sur les personnages de l'an-
cienne tragédie, l'oreille encore pleine de leurs voix mé-
lodieuses, on se dit, à part soi, qu'on vient d'entendre
d'inimitables discoureurs, qu'on a vu des figures modelées
avec un art infini, mais qu'après tout ce ne sont là que des
statues un peu froides et privées du don de se mouvoir. —
Que si, une autre fois, vous assistez à la représentation
d'un drame moderne par madame Dorval, la physionomie
expressive de l'actrice, la profonde sensibitité de son
accent, l'abandon éploré de sa démarche vous saisissent
et vous attachent tout d'abord. I! y a en cette femme une
telle spontanéité d'inspiration, un tel imprévu d'effet, un
charme si neuf et si étrange que volontiers, l'on se fait
illusion, et que la réalisation plastique fait prendre le
change sur le sens intérieur et caché. D'ailleurs, le tour-
billon vous emporte et ne laisse guère le temps à la r é -
flexion d'intervenir 3 car si d'une part le développement
passionné du personnage vous fait épeler la gamme entière
du cœur humain, de l'autre, grâce à la complication du
drame extérieur, vous parcourez toute l'échelle de l'action.
C'est bien là un reflet de la vie réelle, dans tout ce qu'elle
a de heurté, de familier et de divers. Mais par malheur
l'influence pernicieuse d'une liberté sans contrôle se faisant
bientôt sentir, l'œuvre, malgré tout le talent de l'inter-
prète , met à nu son fond vicieux d'exagération, de faux
goût et de trivialité. Nos yeux, s'ouvrant à la fin, distin-
guent en même temps et l'immoralité trop évidente du but,
et aussi tous les ressorts menteurs, tous les moyens puérils
qui ont servi à le préparer. Le mannequin dramatique
n'est plus qu'une structure compliquée et hardie recouverte
de vains oripeaux.
                                     DESSALLES-RÉGIS.