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    Mais, pour celui-ci, la tâche est plus rude, le but plus
 difficile ; l'effort personnel, la volonté réfléchie devien-
nent une nécessité. L'organisation primitive ne suffit pas ;
il la faut soutenue par un caractère qui sache la mettre
en œuvre ; nul événement, nulle passion, nul intérêt
ne doit venir lui faire opposition ; la volonté sera sans
cesse agissante et toujours victorieuse. C'est un travail, au
moral et au physique, pour lequel il n'y a pas de jour de re-
pos. Baumann n'était point trempé assez fortement : quand
sa supériorité locale fut bien établie, il ne pensa plus à
l'avenir ; les habitudes du métier, les préoccupations de
la vie matérielle prirent le dessus : il s'endormit dans sa
position acquise, sachant qu'il était le premier violon solo
de Lyon.
   Cette fortune aurait-elle suffi à un autre, dominé par la
fièvre de son organisation ? à celui qui eût mesuré l'éten-
due de ses ressources, avec cette insatiabilité d'ambition,
cette passion opiniâtre, qui veut en atteindre la limite,
une halte dans une position donnée, aurait-elle assoupi
toutes les ardeurs du caractère?—non! pour celui-là un
succès n'aurait été qu'un marche-pied, afin de monter plus
haut.
   Mais la faiblesse et l'imprévoyance profitent d'une po-
sition passable, pour se soustraire à la fatigue de l'action.
Baumann s'immobilisa, ne songeant nullement que l'im-
mobilité est une condition fatale pour les hommes comme
pour les choses, que le succès avait été la conséquence
de sa nouveauté, et que sa nouveauté, pour être durable,
devait se renouveler sans cesse par le progrès. Ne voyant
autour de lui personne qui pût lui être comparé, son es-
prit n'eut point la portée, logique et prévoyante, néces-
saire pour puiser l'excitation au travail à une autre source