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40 ï grâce et du fini, convenait aux proportions de la sym- phonie héroïque, et à la sombre mélancolie de la marche sur la mort d'un héros. Ce fut donc le quatuor en si de Beethoven et dans les menuets rapides dé Fesca, que nous entendîmes pour la première fois Baumann; —• peu de violonistes dans ce genre de musique nous ont fait autant de plaisir,. Les écarts et même l'inégalité de son talent lui venaient en aide ; en ces sortes de composi- tions où les ressources d'effets sont bornés par le nombre et la nature des instruments, la monotonie est si difficile à éviter que l'artiste est obligé de dominer son auditoire d'un bout à l'autre. On peut dire qu'avant Baumann la musique de salon était inconnue à Lyon. Successivement notre ville s'est enrichie de plusieurs instrumentistes habiles, mais dans les rivalités de talent, dans la lutte d'ambition et de gloire qu'a fait naître une noble émulation, nul n'a en- levé à Baumann le sceptre du quatuor; — il est resté sans égal dans cette portion de son domaine. Baumann n'eut donc qu'à se produire pour ranger le public sous sa loi; la conquête fut rapide. Alors com- mença pour lui une vie de patience et de travaux obscurs, — véritable vie de sacrifice et de dévouement, remplie de fatigues et d'ennuis, sans dédommagement de fortune et d'illustration. — La carrière de l'enseignement est la plus ingrate de toutes : il faudrait se mettre à genoux devant ces hommes qui veulent bien faire de nos enfants quelque chose, qui pressurent à notre profit leur ame et leur intel- ligence, qui nous allaitent avec le suc le plus précieux, pour nous faire marcher dans l'avenir plus beaux, plus grands, plus forts; bientôt, s'éleva, autour de Baumann, une pépi- nière de jeunes violonistes. L'influence du maître se répandit