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399 Quant à nous, nous aimions à croire à l'extension in- définie et régulière de toute force bien déterminée. La spé- cialité dans les arts nous semblait une semence précieuse^ destinée, chez tous les individus en qui le ciel l'avait placée, à produire les mêmes fruits. Mais alors pourquoi l'un va-t-il plus loin que l'autre ? Pourquoi cette différence dans le développement de la même faculté prédominante, cette diversité dans le résultat final ? Pourquoi tant de contradictions dans l'effet d'une même cause ? Serait-ce que Favénement futur de nos facultés dépend de tx*op de circonstances indirectes, que leur destinée se rattache à des conditions diverses, à des chances multi- ples et souvent imperceptibles, trouvant en nous et hors de nous des influences dont l'action se combine et n'est pas toujours dominée par la volonté. Comment suivre et déterminer l'effet de chaque instant et de chaque fait, qui composent la vie générale de l'individu, mosaïque aux innombrables couleurs, dans laquelle viennent prendre place les plus petits comme les plus grands événements ? Comment faire la part des deux tyranniques principes de toute condition humaine, la force et la faiblesse, qui sai- sissent l'homme au berceau pour le conduire vers la per- fection ou la médiocrité ? Soumises aux oscillations de ces deux pôles sur lesquels roule l'existence, les puissances de son être ne semblent-elles pas s'étendre ou s'affaiblir suivant que le mouvement de l'un ou de l'autre l'emporte? Cela admis, la spécialité de l'artiste ne sera plus une portion de lui-même à part, pouvant accomplir sa des- tination en dehors de toute influence, malgré toute cause autre que la sienne. Ses racines, implantées dans le cax'actère de l'homme^ y pousseront suivant la nature dn sol et lorsqu'elles rencontreront une volonté ardente, une