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tesque des Dieux de l'Iliade, et la danse des pasteurs cyclo-
péens de l'Odyssée dans la plupart des allegro et des schezzo
du même maître.
   Par deux points, Beethoven répond aux sentiments les plus
poétiques de notre temps. Personne, plus que lui, n'est ca-
pable d'en consoler les doutes, par ces violentes issues qu'il
vous ouvre à chaque instant vers l'infini. Lui aussi, il s'est
nourri du scepticisme dont nous avons tous pressé l'amère ma-
melle; il s'est complu à en peindre les ténèbres, les douleurs,
les orages ; mais il est plus fort que la tempête dont il ne
semble souvent avoir assemblé les nuages autour de sa tête,
que pour se donner le plaisir de les déchirer par un effet
soudain de sa volonté, et pour faire voir, tout-à-coup et face
à face, les béatitudes et les splendeurs du ciel au milieu des
cris de souffrance de la terre.
    Beethoven n'est pas seulement le poète du doute, il est
 aussi celui de la nature. Jamais ame plus tendre et plus
 énergique à la fois ne refléta le spectacle de la création. Si la
mélodie de Weber est comme le soupir de l'ame humaine
repliée sur elle-même et abandonnée à ses plus mélanco-
liques rêveries, l'harmonie de Beethoven évoque toutes les
âmes répandues sous les apparences terrestres, elle les invite
à la société du genre humain et y fait entendre la voix de
leurs plaintes et de leurs espérances. Dans cet accord du gé-
nie de l'homme et de celui de la nature, l'auteur des sym-
phonies a puisé des qualités qui ne se sont pas, que je sache,
rencontrées dans un autre artiste. Raphaël a donné aux mo-
dernes l'image de la grâce, Michel-Ange celle de la force;
mais ces deux athlètes se sont partagés le domaine de l'art
et l'admiration de leur siècle; ils se sont mesurés sans s'unir.
Ils revivent ensemble dans Beethoven, aussi suave par instants
que le peintre de la Madone, aussi terrible que celui du Ju-
gement dernier.