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philosophie à la fois sublime et élémentaire qui n'est ni au-
dessous du génie de Leibnitz, ni au dessus des forces d'un
jeune enfant. Comme le prophète Elisée, elle se fait petite
pour embrasser ces pauvres petits ; puis bientôt, grandissant
à mesure qu'ils grandissent, elle les élève avec elle, pareille
au jeune arbre qui dans sa rapide croissance emporte avec lui
dans lescieux le lierre flexible qui l'embrasse.
   Eusuite commence pour eux le second degré de l'initiation
littéraire, la traduction. Traduire, c'est comprendre: et
 n'est-ce rien pour le développement de l'intelligence que de
 comprendre par degrés cette foule d'idées intellectuelles et
morales qui passent nécessairement partout esprit civilisé? Ne
 me dites pas que la lecture aurait suffi. La lecture laisse l'a me
d'un enfant dans un état passif : elle n'en ride qu'un instant la
limpide surface. Mais livrons notre élève au travail delà tra-
 duction : il me semble le voir gravement assis devant son bu-
reau : ses traits enfantins prennent une délicieuse expression
de sérieux. Ne troublez pas dans ces profondes méditations
 cet Archimède de douze ans! Il observe, il compare, il réflé-
 chit .- mille idées inconnues traversent sa raison : il les inter-
 prète, il les exprime, il en fait la conquête; chaque ligne qu'il
 écrit est un certificat d'intelligence. Yoir la même personne sous
 des costumes divers, c'est un excellentmoyen d'apprendre à la
 bien reconnaître. Yoir la même idée dans plusieurs langues,
 c'est apprendre à la bien distinguer, à ne pas confondre l'idée
 elle même avec la forme accidentelle du langage, la personne
 avec l'habit. Plus le génie des langues sera différent,plus l'étude
 en sera profitable. La plus utile des traductions sera donc
 celle des langues anciennes. Là, Ses constructions, les
 tours, les images même n'ayant souvent rien de commun
 avec les nôtres,il ne s'agit pas seulement de substituer des mots
 aux mots, mais des pensées aux pensées Le traducteur est un
 changeur; obligé d'exprimer successivement, avec des mon-
 naies différentes, une certaine somme d'idées, il se trouve forcé
 d'en bien apprécier la valeur.