Revue du Lyonnais » série 1 - n°11 ( 1840 ) » pp.135

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 passage lui a été dur â cet excellent jeune homme; et ce
 passage-là, je l'ai pleuré comme vous. Mais présente-
 ment il est bien ! il est libre, il a jeté ce manteau de mi-
 sère qui abaissait quelquefois son âme, une ame si ardente,
 si harmonieuse, si enfant ! Allez î Dieu ne ressemble pas
 aux grands juges de la terre, aux procureurs du roi, à
 rien de ce qui condamne. Notre pauvre frère en était ai-
 mé, puisqu'il s'en est allé si jeune vers lui, et c'est de joie
 que je pleure en pensant qu'il est bien doux, bien glo-
 rieux, bien désirable de mourir jeune! jetez-lui des fleurs
 et pas de cyprès ! il a été assez triste quand il marchait
 avec nous ; il n'a respiré qu'en sortant de cette cage, où
 nous étouffons si souvent. »
    Et nous, ses amis, nous voulions couvrir cette humble
cendre d'un monument qui n'aurait probablement servi
qu'à distinguer une place dans un cimetière, dont il faut
bien l'espace à celui qui n'a que ce faible moyen de vivre,
un jour ou deux de plus, dans le souvenir des hommes ;
et ce monument allait reproduire l'épitaphe qu'il s'était
faite lui-même seize ans à l'avance et qui se trouve dans
son premier poème , où cette fin si prompte nous est
prédite, comme si déjà il avait fait son bail avec la mort,
pour ce court espace de temps , pour si peu de saisons !
lorsqu'une meilleure pensée nous est venue à tous, celle
de rassembler ces feuilles jetées aux vents, ces poésies
éparpillées par tant d'orages, ramassés au passage, semées
et glanées à travers champs, quelques-unes crayonnées
sur les murs de Longiron, et d'en publier le recueil,, re-
cueil qui deviendrait alors un monument plus digne de
sa mémoire -, monument œre perennius, comme l'a dit
Horace, et du genre de ceux dont aucune tombe royale
ne saurait, dans la pensée deMilton, égaler la splendeur...
   Son testament de mort était bien que l'on ne fit rien
publier de lui, tant il dédaignait les premières productions
de son génie ; mais si tant de fois on a disputé avec avan-
tage à l'homme le droit de disposer après lui de ses biens,