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On l'avait vu dans un bois, conversant tont haut, tout seul,
de nuit, avec ses pensées. On le voyait sur le chemin de fer
de Lyon le matin, on le retrouvait le soir. Sa vie orageuse
s'assombrissait de plus en plus. Il visitait peu ceux qu'il
voyait d'ordinaire, il fréquentait les cimetières.
Il y avait là trop d'indices, de pressentiments de mort,
un trop grand malaise. Il se serait brisé la tête contre
les barreaux. Peut-être, comme Nourrit, se serait-il jeté
par la fenêtre, ou bien, comme Gilbert, allait-il avaler
une clé; mais ces indices, ces pressentiments se réalisèrent
bientôt. Une fièvre cérébrale s'empara de lui; et, le 26
mai 1834, notre pauvre ami avait cessé de vivre. On vit
bien, dans ses derniers moments, qu'il n'avait jamais
compté sur une longue existence; que jamais il n'avait
fait fonds sur la vie de ce monde; qu'il achevait, lui aussi,
son passage sachant bien à quoi s'en tenir.
Il l'acheva par les adieux les plus touchants. Ses amis et
un prêtre qu'il demanda se partagèrent toutes les révéla-
tions d'une existence mystérieuse, où le romancier pour-
rait trouver plus d'une scène touchante, le poète plus d'une
inspiration et dont nous nous sommes fait un devoir de ne
révéler que les principales circonstances, pour ne pas li-
vrer ses pauvres mânes à Terreur, au ballotage de juges
incompétents. Fidèle à sa croyance, il ne cessa de réciter
Voraison dominicale, cette sublime prière, disait-il, et ses
lèvres se fermèrent sur ces paroles de miséricorde : par-
donnez-nous nos offenses.
Huit jours' après, une jeune dame éplorée, accompa-
gnée de deux enfants, vint prier sur une fosse encore
béante... Elle accourut chercher un rendez-vous, auquel
elle n'a pas manqué, trop sûre, hélas ! cette fois, qu'elle
saurait où le prendre, et à qui le demander. Les deux
jeunes filles restent pour le culte de cette double tombe...
Et, plus tard, Mme Valmore écrivait à M. Coignet:
«Quoi! vous plaignez M. DeLoy ! est-il possible? je le sa-
lue du cœur dans sa délivrance. Je lui dis : au revoir ! Le