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   La pratique au barreau devient pour le débutant le lit
de Promste ; l'aridité du style judiciaire et la sécheresse
des formes agissent sur le stagiaire, comme agissent sur
une active végétation ces vents de glace qui ne refoulent
pas seulement la sève, mais qui la tuent; et certaines plantes
auxquelles il faudrait une nature puissante, un ciel vaste
et pur, le ciel de Bêranger, y dessèchent, y meurent, faute
de pouvoir s'acclimater. L'avocat n'est là, â la barre de
ces petits tribunaux, qu'un machiniste chargé du lourd
mécanisme des Codes ; et là,comme dans la fable, la tor-
tue devance presque toujours son agile adversaire.
   C'est donc encore une existence à rebours, à contre-sens,
pour quelques-uns, une vie où le génie s'en va tous les
jours, creusant sa fosse, comme on la creuse à la Trappe.
Pardonnons alors à DeLoy d'avoir suivi une autre vocation.
Il céda tout d'abord à ces premières impressions ; il s'ar-
rêta au seuil. Il avait cependant besoin d'une profession.
Poursatisfaire à cette exigence, sans plus attendre, il s'é-
tablit à Luxeuil régisseur d'une papeterie, dont il avait la
moitié, et, au mois de juillet 1819, il épousa Mlle Clarice
Duchelard, nièce de M. Michaud.
   Le mariage fut pour lui un voyage entrepris avec la
même imprévoyance que l'excursion aux lieux chantés par
Florian.
   21 ans, d'ailleurs, pour celui qui ne sait de la vie que
ce qu'il rapporte de ses cours universitaires, c'est un âge
d'incapacité, d'inexpérience. C'est l'âge où il est dange-
reux de faire de ces serments qui enchaînent l'existence
et dont, selon Ovide, Jupiter délie volontiers par suite de
i'aveuglemeut qui les dicte.
   Au lieu donc d'être son premier acte dans la vie civile,
!e mariage aurait dû, pour lui ne s'y placer qu'au milieu,
comme halte nécessaire à son repos et n'arriver que lors-
que cette ardeur que décelaient les mille éclairs de son
imagination, toutes ces bluettes de feu, si brillantes et si
vives, se seraient amorties; et quand les déceptions de ce