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33 depuis que Constantin lui a retiré cet appui, personne n'est plus saisi d'un religieux effroi quand il agite son immortelle chevelure, ou quand son noir sourcil s'abaisse et fait trembler l'Olympe. Nous trouvons bien encore dans Ausone quelques souve- nirs charmants de la mythologie, entre autres cette délicieuse peinture des naïades de la Moselle, qui vont dérober des rai- sins sur les collines, et qui, pour fuir la poursuite des Faunes, se réfugient dans les flots. Rien de plus agréable que le tableau de ces satyres qui nagent si maladroitement, et ne saisissent que de Veau au lieu des nymphes qui glissent et s'échappent de leurs bras : Hic ego et agrestes salyros et glauca tuentes Naïdas (1). Ce passage me semble excellent : c'est un des meilleurs d'Ausone, et il ne serait pas déplacé chez un contemporain de Tirgile; mais on sent que la mythologie n'est ici q>i'un jeu, et non une croyance : elle peut encore faire naître de jolis vers, elle en inspirerait difficilement de sublimes. Mais, dira-t-on, une religion nouvelle, plus noble que Je polythéisme, en avait pris la place et pouvait inspirer les poètes. D'abord , on s'est généralement exagéré beaucoup les pro- grès du christianisme dans les Gaules. Au quatrième siècle, il y régnait officiellement, il est vrai ; mais il s'était peu infiltré dans les mœurs. Les Gaulois ne s'étaient pas convertis ; ils s'é- taient laissé faire chrétiens. On a beaucoup discuté sur la religion d'Ausone. Eh ! mon Dieu, rien n'est plus simple : Ausone est sceptique dans ses croyances, il ne sait que penser de la vie future (2) ; épicurien dans sa morale, et souvent d'un épicuréisme délicat qui rap- (1) Mosella. Nous aurons occasion de revenir bientôt sur ce morceau. (2) Profess. I. 3