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livres aux écoliers, aux gens du peuple on à des amateurs peu diffi-
ciles. Il fallait bien qne le livre d'Horace passât par les échoppes
de ces revendeurs pour arriver au dernier terme du destin que son
auteur lui annonçait : aller dans les faubourgs servir aux écoles
à faire épeler les petits enfants :
           Hoc quoque te manet, ut pucris elementa doeentem
           Occupet extremis tu vicis balba senectus (1).
   Sénèque nous apprend à quel degré de fureur la bibliomanie était
portée chez les Romains de son époque. Avec la vivacité de sa verve
déclamatoire, il nous dépeint des hommes riches, fastueux, souvent
illettrés, réunissant à grands frais des milliers de volumes dont ils
ne connaissaient pas les titres, puis, blasés surtout, bâillant d'ennui
au milieu de ces richesses littéraires (2). Mais cette passion extra-
vagante servait les intérêts desbibliopoles : et ils avaient soin de l'en-
tretenir et d'en profiter. On conçoit, en effet, qu'un bon livre ou,
ce qui pour eux revenait au même, un livre qui avait la vogue, de-
vait attirer la foule et la richesse dans la boutique où il se vendait.
C'est de pareils ouvrages qu'Horace disait :
           Hic meret Å“ra liber Sosiis, etc. (S).

   D'ailleurs, le charlatanisme de certains libraires modernes n'était
pas inconnu à Rome. On savait fort bien vanter sa marchandise, et
garantir effrontément la correction d'exemplaires convaincus d'être
fautifs (4). On savait surfaire ses prix ; et en les réduisant de la
moitié, on avait encore un fort honnête bénéfice(5). Enfin, quand
un ouvrage manquait de succès dans la capitale, on trouvait moyen
de s'en défaire en faveur des provinces, et on l'expédiait aux extré-
mités de l'Empire. Il semble qu'il faut entendre ainsi ce qu'Horace
dit à son livre :
           Âiitfughs Uticam, aut vinctus mitteris Ilerdam (6).

  (1)   Epist., I, 20, v. 17.
  (2)   De tranquil. animi, 9.
  (3)   De arte poet., v. 345.
  (4)   Aul. Gell. : Noct Ml., V. 4.
  (5)   Martial; Epigr., XIII, 3.
  (6)   Epist. I, 20, v. 15.