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219 Rapièce d'un vieux bois quelque vieille nacelle. Et cependant ces lieux de misère fcaletants. Comptent des anneaux d'or dans la chaîne des temps. Ces murs, encore intacts dans leur vieille attitude, Dont le triste gazon verdit la solitude, Étaient deTOrient l'opulent magasin, Et voyaient affluer le turban sarrasin. Un pèlerin royal, dans ses saintes colères, Voila deux fois ces mers de ses mille galères, Alors que, plein d'ardeur dans ses pieux desseins, Il voulait du Croissant nettoyer les lieux saints. De hauts barons couverts de leurs cottes de mailles, Dont Venise avait joint et poli les écailles, Faisaient flotter ici sur leur casque luisant La plume de l'autruche ou celle du faisan, Et surtout la bannière aux annales célèbres Qu'exhumait Saint-Denis du fond de ses ténèbres, Lorsque la France, ayant un danger à courir, Commandait à ses fils de vaincre ou de mourir. Deux peuples dans leurs rois ici se rencontrèrent, Et, long-temps ennemis, sur le front se baisèrent. L'or, la pourpre, l'azur se drapaient pour des jeux, Et luttaient de splendeur avec un ciel pompeux ; Les airs portaient au loin la fanfare guerrière, Les chevaux des tournois soulevaient la poussière, Et les dames, du haut des balcons élégants, Sur le front du vainqueur faisaient voler leurs gants. Et voilà que tout dort, et que, de tant de fêtes, Il ne nous reste plus que ces plages muettes ; Que l'oiseau qui se plaint dans ses marais taris, Et dont le vol pesant heurte les tamaris ; L'onde qui sur ces bords se berce solennelle. Comme le balancier d'une horloge éternelle. Alors, ô Lamartine ! à ces retours du sort, De celui qui prétend tonner après sa mort, Et qui vient en ce lieu demander des images, Pour jeter plus avant sa gloire dans les âges,