page suivante »
212
l'époux ne lui permit pas de continuer, et l'élégie rejoignit
son asile silencieux, nous laissant en face d'une pensée bien
attristante. M. Reboul ne pouvait nous loucher plus profon-
dément.
L'élégie de l'Ange et l'Enfant valut à Reboul la haute ami-
tié e l l e poétique patronage de Lamartine. On sait ce que
l'auteur des Harmonies écrivait, en 1830 , sur le Génie dans
l'obscurité, comme l'on sait ce que celui-ci y a répondu plus
tard; c'est une forte lutte, où la victoire reste bien incertaine.
M. de Chateaubriand aussi, dans quelques unes de ces lignes
qui jettent la gloire sur un nom, s'est plu à mettre en lumière
celui du poète-boulanger et à louer l'élégie que nous avons ci-
tée tout-à -1'heure (1).
Dès l'année 1821, J. Reboul se familiarisait avec la muse,
et son recueil présente un Hymne à la Vierge, qui date de celle
époque; mais c'est depuis 1828 seulement, et à des heures
prises dans une vie occupée, que le reste du volume s'est
achevé. Un journal de Nîmes reçut ses premières produc-
tions.
Ce qui a rendu poète M. Reboul, ce qui a fait vibrer sous
sa main les cordes de la lyre, c'est le malheur, et le malheur
pour lui s'est levé près d'une tombe.
C'est l'infortune qui m'enflamme ;
Ma lyre est l'écho de mon ame ,
Et ses accents sont des soupirs.
Ne soyons pas surpris de celte puissance de la m o r t ; il n'y
a r i e n de déchirant au monde comme ces adieux qu'il faut se
dire, quand on est si bien ensemble ; beaucoup de poètes ont
senti le génie s'éveiller en eux sous les coups de quelque
grande ruine intérieure. Peut-être aussi faut-il acheter à un
tel prix cette puissance de sentiment qui vous donne d'émou-
voir la foule par de ravissantes mélodies. Triste destinée alors
(S) Essai sur ta Lia. angl., t. II. p . 3-41 >