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n'aurais fait encore que poser un problème social sans le
résoudre. Tu ressembles, j'oserai le dire, à ces médecins qui
décrivent admirablement une maladie, mais ne savent com-
ment la combattre. De ces docteurs, nous en avons beaucoup
en Europe, et nous n'en sommes guères plus avancés.
   — Eh, ne suis-je pas moi-même un malade souffrant et dé-
solé ? Est-ce à moi, né et vivant en dehors de votre civilisa-
lion, à vous indiquer les moyens de guérir les maux qui
la rongent? Homme neuf et voulant le bien j'espérais trou-
ver en elle un éclaircissement à mes doutes, une satisfac-
faction à mes vagues désirs? qu'y ai-je vu ? Hélas! une acti-
vité qui engendre l'égoïsme, des complications d'où naissent
de cruels embarras, et un raffinement tournant à la c o r r u p -
tion de toutes choses. Ne m'accorde p a s , si tu le veux, que
notre société vaille mieux que la vôtre , mais aussi n'es-
saye pas de me faire voir des avantages dans l'adoption de
vos mœurs et de vos lois. Déplacer le bien ou le mal, ce
n'est ni accroître l'un ni diminuer l'autre. Ce que l'avenir
prépare à l'Orient, Dieu seul et son prophète le savent.
Peut-être la race humaine doit-elle éprouver, dans sa vie
extérieure, des modifications successives; peut-être une ci-
vilisation nouvelle, meilleure, définitive, s'avance-t-elle der-
rière celle d'aujourd'hui. Tout est possible; mais Dieu est
grand, et il n'en sera que ce qui est écrit. En attendant,
présomptueux réformateurs, tâchez de valoir mieux vous-
mêmes. Votre esprit a plus d'étendue que le nôtre, mais nos
cœurs ont moins de détours ; l'industrie de l'arabe est b o r -
née, mais ses besoins sont peu nombreux ; nous n'avons
que quelques rares vertus, mais elles se conservent pures
depuis un temps immémorial ; vous brillez davantage sans
doute, mais combien n'êtes-vous pas moins solides! Français,
vos beaux projets de civilisation prennent leur source dans
l'orgueil, et c'est la domination qui vous tente plutôt que
l'amour de l'humanité. Vous êtes, de votre propre aveu,
 dans un état de transition ; qu'avons nous à faire d'un état