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179 — Ainsi, les arls de l'Europe n'onl fait aucune impression sur ton esprit? — Franchement, je m'attendais à quelque chose de mieux, l'expliquer ce que j'aurais voulu serait fort difficile; mais vois, continua Méhémet en étendant la main vers les mon- tagnes, vois ces masses dont le sommet se dresse au sein de l'atmosphère éblouissante, vois cet horizon infini, cet espace dont la pensée la plus hardie ne saurait soupçonner les bor- nes, et dis-moi quel musée peut égaler une telle magnificence? — Aucun, sans contredit. — Perdue dans l'immensité, et les pieds cloués à la surface d'un petit globe, végète la race humaine que déchirent d'in- nombrables divisions. Ici, des actes d'un égoïsme atroce la tour- mentent ; là ; de sublimes dévouements la consolent. Il est des hommes qui se font les martyrs de sa cause et qu'elle persé- cute ; il en est d'autres qui ne sont qu'un fléau pour elle et qu'elle comble d'honneurs.Cet ensemble d'erreurs, de vertus et de crimes serait pour vos artistes une mine riche à exploiter, unesource inépuisable d'inspirations puissantes; qu'en font-ils? — Hélas^ reprit l'officier, tu ne sais rien des obstacles qui encombrent cette carrière. Beaucoup d'artistes auraient don- né la moitié de leur existence pour mettre tes idées en pra- tique. Mais les difficultés d'un travail qui trop souvent reste- rait infructueux, mais la nécessité de suffire aux exigences ma- térielles de la vie, et la froideur delà société elle-même, toutes ces causes ont tué maintes fois et détruisent chaque jour de brillantes et généreuses vocations. — Eh quoi ! les choses se passent ainsi chez vous et tu oses me vanter une civilisation si meurtrière. • Laissons cela, dit le jeune homme, tu m'attristes malgré — moi. Lequel de nos monuments t'a fait le plus d'impression ? — Tous m'ont paru mesquins ; véritables travaux de four- mis. J'ai vu le plus imposant de tous^ celle porte triomphale que le plus grand de vos sultans fit élever à la gloire de ses légions. Mais, parmi les ornements sculptés sur la pierre, j'ai