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 forme humanitaire. Il le devait encore comme littérateur ,
 parce que la religion justifiait son intrigue et pouvait lui être
 d'un grand secours littéraire. Voyez d'ailleurs combien l'ab-
 sence de toute charité a répandu de sécheresse sur les der-
 nières pages d'une œuvre habilement conduite jusque là. Le
vieillard Severin s'en va promener ses douleurs au h a s a r d , et
 de Beaumont, plein de jeunesse, le voit s'éloigner sans voler à
 sa suite. Quelle excuse l'auteur donne-l-il à ce criant et
lâche abandon? nous l'avons vue : « Le vieillard ne peut
 plus marcher avec courage, et de Beaumont a toutes ses forces
 pour se créer l'avenir; donc Élie doit se débarrasser de Seve-
rin. » N'est-ce point là le triomphe del'égoïsme, et cette lâche
 ne souille-l-elle pas le côté moral de l'ouvrage? Élie n'a plus
 qu'un pas à faire, et je garantis q u e , par une conséquence
rigoureuse du principe d'égoïsme , mentionné plus haut, il
retournera vers Gaillot, l'assassin d'Anna.
   Voici ce que j'avais à dire sur le dénoûment ; et maintenant,
ne pourrait-on rien reprochera la facture littéraire de Souves-
 tre?La personnification multipliée,la prodigalité de traits sail-
lants et le style perpétuellement incisif ont cela de défectueux,
qu'après avoir excité quelque surprise, ils finissent par tendre
à la monotonie. Ce sont de précieuses ressources q u i , ména-
gées, donnent en quelque sorte du ton à la forme; mais leur
retour trop fréquent les anéantit bien vite : l'exception devient
l'habitude, et l'esprit se fatigue des soubresauts que l'auteur
lui fait faire. Dans l'Homme et l'Argent, peu d'alinéas ne se ter"
minent point par des idées fortement accusées ou par des jets
de mots rapprochés adroitement. Or, pense-t-on qu'un ouvrage
composé tout entier avec les spirituels couplets de Scribe ne
lasserait pas bientôt ?
   Il est encore chez Souvestre une autre tendance que je vou-
drais voir disparaître en partie. Faute de mieux, notre époque
s'occupe d'analyse : nous avons eu les analyses de la philoso-
phie de l'histoire, les analyses des m Å“ u r s , les analyses des
idées, et celte manie nous a conduits à l'analyse des sentiments.