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   On peut accorder à Prudence le titre de premier poète chré-
tien, pourvu qu'on n'altache pas à ce nom une trop grande
importance. Notre poète n'était pas dépourvu de talent ; il
avait de l'instruction, et connaissait les bons écrivains de l'an-
tiquité. L'esprit et l'imagination ne lui manquaient pas ; il
ne saurait être néanmoins comparé aux auteurs classiques ; il
est même très inférieur à Ausone et à Claudien. Son style est
incorrect, et il pèche gravement contre les lois du mètre.
Néanmoins, Erasme qui s'y connaissait, n'hésite point à
nommer Prudence Unum inler chrislianos vere facundum
poetam (1). Il ne faut oublier toutefois ni Synésius, ni Gré-
goire de Nazianze (2).
   Pour donner une idée plus complète de Prudence, et
montrer quels sentiments animaient cet homme qui devenait
poète à un âge où, d'ordinaire, on cesse de l'être, nous tra-
duirons le seul endroit de ses œuvres où il parle de lui un
peu longuement.
   « Déjà, si je ne me trompe, j'ai vécu cinquante ans, et voici
encore qu'il s'écoule une septième année, depuis que je jouis
de la vue du soleil.
   « Le terme approche, et déjà Dieu hâte le jour voisin de la
vieillesse. Qu'ai-je fait d'utile, moi, dans un si grand espace
de temps ?
   « Mon jeune âge pleura sous les férules retentissantes ; la
toge virile, me trouvant bientôt infedé de vices et rempli de
crimes, vint m'apprendre à proférer le mensonge.
   « Alors, une funeste lascivelé, une licence effrénée,—j'ai
honte, hélas ! et douleur de le rappeler,— flétrirent ma jeu-
nesse avec les souillures du péché.
   « Les querelles du Forum agitèrent ensuite l'ardeur de
mon esprit, et un désir immodéré de triompher me causa
de tristes catastrophes.
   « Deux fois je gouvernai de nobles cités, et fus l'interprète
  (1) De Pueris liberaliter instituendis.
   (2) Nous en parlerons prochainement.