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« C'est assez d'art et d'élégance que de dire en quels carac-
tères ces noms ont été écrits par le Christ, dans le livre cé-
leste qui s'ouvrira quand le temps sera venu.
« Alors, un ange prononcera devant le Père et le Fils le nom
de ces dix-huit martyrs, qui ont la tutelle de celle cité, parce
que leurs sépulcres s'y trouvent.
« Alors , seront ajoutés au nombre ancien, et la jeune
vierge qui survécut à son martyre, et Vincentius dont cette
ville fut la patrie, comme aussi la source de la gloire qu'il
s'est acquise.
« Alors, — car il ne faut pas les passer sous silence, —
alors seront ajoutés encore Caïus et Crémentius, qui, dans
une seconde lutte obtinrent les honneurs d'un triomphe non
sanglant.
« Tous deux, confessant le Seigneur, tinrent ferme devant
la rage des persécu leurs; tous deux goûtèrent quelques gouttes
de la coupe du martyre.
« Placée aux pieds de l'éternel, cette sainte cohorte, que
garde la cité, la cité mère des nobles martyres, demande par-
don pour nos fautes.
« Ces tombes, couvertes d'inscriptions, et sous lesquelles
repose notre espérance, oh ! que je les arrose de pieuses
larmes, pour que je brise enfin les liens de mes crimes.
« Noble cité, prosterne-toi tout entière avec moi devant
les tombeaux de tes saints martyrs, et lorsque ressusciteront
leurs corps, tu les suivras tout entière aussi. »
On ne peut s'empêcher, en lisant cette hymne, de se rappe-
ler tous les douloureux martyrs politiques endurés, à diverses
époques, par cette noble et forte cité que chante le barde
chrétien.
Nous avons dit que Prudence comprit assez souvent la gran-
deur et la nouveauté de sa mission poétique. Plus d'une fois,
quand on déposait aux catacombes le corps mutilé d'un mar-
tyr, des plaintes sublimes s'échappèrent de la bouche de celte
Rome écrasée, mais non tuée sous la violence des coups ter-
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