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194 jours là pour la protéger et la défendre, on ne rompt pas fa- cilement avec le passé, le bon, le joyeux passé. Or, qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid, qu'il vente ou qu'il neige, dès dix heures du matin, le dernier jour du carnaval, toute la population s'agite. On comprend qu'elle se prépare à une œuvre qu'il y aurait honte ou malheur pour elle de ne pas entreprendre. A ce tumulte, si la joie n'épanouissait pas tous les visages; si les plus petits enfants ne préludaient déjà aux amusements du soir, on dirait que la ville attend un ennemi dont elle craint l'assaut, ou les nocturnes surprises. Un ennemi est bien en marche, mais cet ennemi n'est que celui de ses jeux et de ses farandoles. Il n'en veut ni à ses droits de cité ni à ses caisses publiques. Seulement celte folle joie du peuple le t e n t e : et c'est pour la comprimer, la rendre jusqu'au printemps esclave et prisonnière qu'il est aux portes de la ville bruyante. En attendant, on le nargue; les plaisirs menacés n'en sont que plus vifs. Tout s'en mêle. Il n'est pas jusqu'aux satellites du carême, du carême, cette partie belligérante et en marche, qui ne jouissent des restes de cette liberté folâtre. Périssent donc, en une veillée, toutes les charbonnières du pays, plutôt que la coutume de ces feux que l'on nomme cara- mentrants, par allusion au carême qui entre. Afin d'en pourvoir convenablement chaque place et chaque rue, et faire de la vieille cité, à l'aide de tous ces feux, un beau, un superbe bivouac, on a recours à des quêtes à domicile, auxquelles le contribuable se prête plus volontiers qu'à celle du budget de l'état. Les collecteurs de cette prestation obligée sont toujours des enfants unis à des personnes d'un certain âge qui portent les corbeilles ; et cette association des deux âges prouve que c'est une fête léguée par les anciens, qui plaît à tous, petits et grands. Il faut voir avec quelle gaieté de cœur les plus pauvres ménages livrent leur dernier mor- ceau de charbon. Ce jour là pour eux n'a pas de lendemain,