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jours là pour la protéger et la défendre, on ne rompt pas fa-
 cilement avec le passé, le bon, le joyeux passé.
    Or, qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid, qu'il vente ou qu'il
 neige, dès dix heures du matin, le dernier jour du carnaval,
toute la population s'agite. On comprend qu'elle se prépare
à une œuvre qu'il y aurait honte ou malheur pour elle de ne
pas entreprendre.
   A ce tumulte, si la joie n'épanouissait pas tous les visages;
si les plus petits enfants ne préludaient déjà aux amusements
du soir, on dirait que la ville attend un ennemi dont elle
craint l'assaut, ou les nocturnes surprises.
   Un ennemi est bien en marche, mais cet ennemi n'est que
celui de ses jeux et de ses farandoles. Il n'en veut ni à ses
droits de cité ni à ses caisses publiques. Seulement celte folle
joie du peuple le t e n t e : et c'est pour la comprimer, la rendre
jusqu'au printemps esclave et prisonnière qu'il est aux portes
de la ville bruyante.
   En attendant, on le nargue; les plaisirs menacés n'en sont que
plus vifs. Tout s'en mêle. Il n'est pas jusqu'aux satellites du
carême, du carême, cette partie belligérante et en marche,
qui ne jouissent des restes de cette liberté folâtre.
   Périssent donc, en une veillée, toutes les charbonnières du
pays, plutôt que la coutume de ces feux que l'on nomme cara-
mentrants, par allusion au carême qui entre.
   Afin d'en pourvoir convenablement chaque place et chaque
rue, et faire de la vieille cité, à l'aide de tous ces feux, un beau,
un superbe bivouac, on a recours à des quêtes à domicile,
auxquelles le contribuable se prête plus volontiers qu'à celle
du budget de l'état. Les collecteurs de cette prestation obligée
sont toujours des enfants unis à des personnes d'un certain
âge qui portent les corbeilles ; et cette association des deux
âges prouve que c'est une fête léguée par les anciens, qui plaît
à tous, petits et grands. Il faut voir avec quelle gaieté de
cœur les plus pauvres ménages livrent leur dernier mor-
ceau de charbon. Ce jour là pour eux n'a pas de lendemain,