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27 Jean dans l'île de Pathmos, ils conversaient avec l'esprit de Dieu, et c'étaient leurs propres inspirations qu'ils rendaient sous les traits de quelque saint ou de quelque bienheureux martyr. Ceci est l'histoire de Zurbaran, de Ribeira, duflorentinFiésole et de bien d'autres maî- tres espagnols ou italiens. Sans avoir la foi, c'est une tentative folle que de s'attaquer à des sujets semblables; je dirais presque qu'il faudrait préalablement se retirer au fond d'une Thébaïde, loin du monde, dans la contemplation et la prière. Le Gaston deFoix de Jacquand avait annoncé un grand progrès ; la science de la couleur paraissait se développer puissamment chez lui ; l'expression ne manquait pas. La Bénédiction des fruits d'au- tomne ne présente point les mêmes qualités; en revanche, les dé- fauts abondent ; je trouve d'abord qu'il n'a pas du tout compris la sérénité, la piété naïve, qui devrait descendre sur cette chaumière et éclairer toutes ces figures, comme un rayon tranquille du soleil d'automne. À part la tête patriarchale du curé, rien ne me frappe ; ie corps de la vieille femme assise n'est point dessiné ; je veux bien croire que l'âge a décharné ses genoux, mais on ne sentpas mêmesous sa robe les jambes de bois d'un mannequin ; la main du prêtre, posée sur le livre entr'ouvert, est détestable; sous tous ces vêtements, il n'y a jamais de corps, rien d'ample ni de corsé. M. Jacquand a tou- jours affectionné l'imitation des choses matérielles. Etoffes de soie et de velours, bahuts gothiques, cuirasses, arquebuses, dagues, ra- pières, tels sont pour son pinceau les objets de prédilection. Cette fois, il n'a pas même réussi en cela; ses draperies sont lourdes et disgracieuses, les couleurs ternes. Partout la lumière manque ; sur certains points se trouvent des tâches blanches ou jaunes qui ne peuvent y suppléer. Ce n'est point ainsi que doit éclairer un rayon lumineux , lorsque, entrant dans un lieu, il s'étend et se divise. Enfin toute poésie manque à ce tableau, même celle des lignes, cette poésie qui ne s'apprend pas dans les ateliers, et qui peut parfois suppléer à celle du cœur. Avant Gaston de Foiœ,M. Jacquand, n'avait fait que des poupées assez aimées des dames, il est vrai; mais elles ne prouvaient rien au point de vue de l'art. Est-ce que Gaston ne serait qu'une œuvre isolée dans sa vie, une œuvre arrivée à bien par des circonstances