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lieu dans lequel on vit, et puisque l'esprit de critique nous pousse de
son souffle acre et turbulent, laissons-nous pousser. Je crois qu'il ne
faut pas absolument être peintre, professeur d'esthétique, académi-
cien ou descendant d'académicien pour parler'de peinture ; les pre-
miers sont ordinairement remplis de systèmes et de parti-pris ; les
seconds, à propos de tout, se perdent dans les ténèbres de la méta-
physique ; quant aux derniers, la suffisance et la pédanterie les
étouffent. Je vous dirai principalement les impressions que j'aurai
éprouvées. C'est une manière de juger comme une autre. Si mes
sympathies ne sont pas celles de tout le monde, peu m'importe!
pourvu que vous les partagiez.
   Je commencerai par vous parler des tableaux d'histoire ; il y en a
peu, et ils n'ont rien de bien remarquable. Ce genre se perd de jour
en jour; il est sans doute trop sévère pour nos goûts frivoles. Je suis
convaincu, du reste, que bien des artistes pensent, s'ils ne le disent,
que ces œuvres-là sont d'un débit peu facile. Hélas ! vous avez sou-
vent déploré, comme moi, le mercantilisme artistique de notre siècle.
Quand est-ce qu'un nouveau prophète se lèvera pour chasser les
marchands du temple?
   Une des choses les plus capitales est, sans contredit, la procession
de la Gargouille; que dire là dessus? Il n'est pas un feuilletoniste de
Paris, grand ou petit, qui ne l'ait tourné et retourné en tous les sens;
cependant laissez-moi admirer cette grande entente des effets de
masse et cette largeur de pinceau. Archevêques, prêtres, chanoines,
condamné, jeunes filles et populaire, comme tout cela marche, se
déroule et s'étend; qu'importe, dans cet effet de foule, si les détails
pèchent. Du reste, le monument ferait à lui seul un bon tableau. Les
maisons sont aussi bien entendues. Que ces bonnes gens qui se pres-
sent si avidement dans le fond, pour voir défiler la procession, sont
heureux ! Mais il faut que je les quitte pour passer à autre chose : car
le nombre des tableaux exposés m'épouvante, 318...! et je me suis
engagé à vous en rendre compte !
  Il y a vraiment du mérite et de l'avenir dans Laurent de Médicis
chez Savanarole. L'austère prieur des dominicains arrêtant Laurent
de Médicis au moment où celui-ci allait s'emparer du pouvoir souve-