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278 nage à physionomie r e m a r q u a b l e , c'était le général Servan, naguère ministre de la guerre ; il était étonné de m'enten- dre parler si tranquillement de la guillotine; mais je m'étais familiarisé avec l'idée de la mort comme avec une chose toute simple, comme avec la suite de la -victoire des Montagnards. Quand on se met au j e u , il faut croire qu'on peut p e r d r e , et si l'on p e r d , il faut payer!... Quoique je fisse assez peu de cas de ma vie, je n'en songeai pas moins aux moyens de la sauver... Tout en réfléchissant, étendu sur la paille, à ma position , je vis la possibilité d'échapper à la mort. Le bruit avait couru à la Guillolière que j'avais été lue à la sor- tie, et déclaration en avait été faite à la commission tempo- raire ; deux jacobins du Cantal mandèrent à Aurillac cette nouvelle, qui navra le cœur de ma pauvre m è r e , alors en réclusion à cause d'une lettre imprudente que je lui avais écrite pendant le siège, et qui avait été interceptée... » On ne leur avait pas demandé leur nom lorsqu'ils avaient été a r r ê t é s , et ils n'avaient pas été écroués à Saint-Joseph. Ce ne fut qu'après trois fois vingt-quatre heures de séjour dans cette prison qu'où leur demanda qui ils étaient. « Je d o n n a i , dit M. Grognier, le nom d'Antoine Grolier, garçon maréchal, natif de Bordeaux , ne voulant pas trop changer mon nom, sous lequel j'avais répondu à la prison... Ceux qui me connaissaient bien souriaient, et les autres, parmi les- quels se trouvaient les moutons de p r i s o n , me crurent. » Quand on avait arrêté M. Grognier dans les bois de Saint- Piomain, on l'avait dépouillé et on lui avait donné de m a u - vais souliers, un bonnet rouge et une vieille capote de vo- lontaire. « J'avais laissé croître ma barbe, j'étais fort sale et fort laid, et je comptais sur cela comme sur un grand moyen de défense judiciaire. J'avais appris par l'expérience de mes compagnons d'infortune qu'il était inutile de donner des preu- ves de civisme, et dangereux de chercher à se défendre par de beaux discours... « Je savais qu'on n'avait pas le temps de faire à chacun