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263 « de Dieu. » Le Chartreux qui l'avait habitée venait de mourir. Les robes de laine suspendues au chevet de son modeste lit se balançaient au souffe de l'air comme la dé- pouille d'une crysalide qui vient de prendre son essor. C'était le plus jeune de la communauté, trop faible pour supporter la vie dure qu'il s'était imposée il avait suc- combé. Sur deux os de mort disposés en croix il avait écrit d'une main tremblante ces mois qui respirent toute une douloureuse agonie : « Oui, mon Dieu !... oui !... soit tout » de suite, soit en détail!... » Dieu prit pitié de ses souf- frances et l'appela tout de suite à la grande joie de tous ses frères, car dans ces murs la mort seule peut amener un jour de fête. Sur sa table, au milieu de différents papiers que je n'ai pas lus, se trouvaient deux chapelets : l'un terminé, l'autre interrompu parla mort à sa seconde dixaine.... Ils m'ont été donnés par le général don Jean-Baptiste Mortez qui les a bénis et indulgenciés. Le pèlerinage qae j'accomplis ainsi tout seul, maladif et à pied, dans la plus âpre saison de l'année, est empreint d'un caractère indéfinissable de tristesse et de douceur. J'écoute et vois vraiment avec religion toutes ces choses religieuses. La tourmente qui fatigue inutilement les vitraux et pénètre en sifflements aigus dans ces immenses corridors sans en troubler le calme, tant le calme en est grand, fait comparer de la façon la plus naturelle la vie tranquille et confiante des Chartreux à notre époque in- quiète et sceptique. Dois-je à une illusion, qui naît des émotions que j'éprouve, de voir si différemment que les joyeux visiteurs de l'été le couvent de la Grande Char- treuse? d'apprécier autrement ses croyances? de recevoir autrement sa simple hospitalité? — Non, il est plus vrai de dire que, plus en harmonie avec l'esprit de ses mélan-