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— Je ne puis que tracer ces noms: le froid et la lassitude
 "ne me permettent pas d'écrire dans ce moment.
    Le forêt recommence, je suis plus abrité. — O n m'avait
 dit que, vers cet endroit, j'entendrais la cloche du monas-
 tère, mais j'écoute inutilement; j'attends le son de cette
cloche promise au milieu de ce désert comme autrefois les
 Israélites affamés devait attendre le moment où tomberait
 la manne céleste.
    J'arrive enfin vers la Chartreuse, des hêtres mélangent
tristement leurs branches dépouillées et mortes aux branches
 vertes et vivaces des sapins orgueilleux : le contraste de
de ces deux natures ainsi mélangées m'annonçait solen-
nellement ce que j'allais trouver en franchissant le seuil
 de celte enceinte où tout rappelle la tombe autant que
la vie.
    Je prête l'oreille à l'huis du monastèi'e; tout est morne,
rien ne trahit qu'il soit habité. Si la nuit était plus sombre
je croirais avoir été le jouet d'une illusion produite par un
de ces rochers découpés en clochers, tailladés sur toutes
les faces, qui se jouent si souvent de la lassitude du voya-
geur trop crédule qui le prend, au milieu des brouillards,
pour le terme tant désiré de ses fatigues. —J'ai sonné.—
Un Chartreux m'introduit. — La première impression
qu'on éprouve en entrant sous ces voûtes naît du silence
qui pèse sur vous de toutes parts.
    —Mon père, je viens vous demander l'hospitalité.
    —Davantage si vous souhaitez, Monsieur, et de bon
cœur.
   —Je ne viens pas chez vous, mon Père, seulement
comme voyageur curieux, j'y viens aussi comme pèlerin.
    — Tant mieux, me répond le religieux en me prenant
les mains, tant mieux, soyez le bien venu; nous vous