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à Notre-Dame de Pitié (1) ; e t , en attendant la caisse (2) que nous avions
embarquée sur le Rhône par les soins de notre bon patron, M. Reydelet (3),
M. Le Maître alla voir ses connaissances, entre autres le P. Caton, corde-
lier, et l'abbé Dortan , comte de Lyon          Deux jours après notre arrivée,
comme nous passions dans une petite rue, non loin de notre auberge, Le
Maître fut surpris d'une de ses atteintes, et celle-là fut si violente que j'en
fus saisi d'effroi. Je fis des cris, appelai du secours, nommai son auberge ,
et suppliai qu'on l'y fît porter ; puis, tandis qu'on s'assemblait et s'empres-
sait autour d'un homme tombé sans sentiment'et écumant au milieu de la
rue, il fut délaissé du seul ami sur lequel il eût dû compter. Je pris l'instant
où personne ne songeait à moi; je tournai le coin de la rue, et je disparus.
Grâce au ciel, j'ai fini cet aveu pénible. S'il m'en restait beaucoup de pa-
reils à faire , j'abandonnerais le travail que j'ai commencé (-4). »


   Cette gentillesse n'a pas besoin de commentaire , et mal-
heureusement pour Jean-Jacques, la kyrielle de ses pecca-
dilles n'est point encore finie.
   En 1732, nouveau séjour à Lyon; Rousseau nous avoue
qu'il n'y venait pas tout-à-fait fait sans vues :

  En arrivant, dit-il, j'allai voir aux Chazottes Mlle du Châtelet, amie de
  me
M de Warens, et pour laquelle elle m'avait donné une lettre quand je vins
avec M. Le Maître : ainsi c'était une connaissance déjà faite. Mlle du Châtelet
m'apprit qu'en effet son amie avait passé à Lyon, mais qu'elle ignorait si elle
avait poussé sa route jusqu'en Piémont, et qu'elle était incertaine elle-même,
en partant, si elle ne s'arrêterait point en Savoie; que si je voulais, elle


  ( r ) On lit l'inscription suivante placée au-dessous d'un buste de J.-J. Rousseau , dans la
cour de l'hôtel de Notre-Dame de P i t i é , rue Sirène : J.-J. ROUSSEAU A LOGÉ DANS CET HÔTEL
EN 1762.
  (2) Cette caisse, assez grosse et fort lourde, qui ne s'emportait pas sous le foras, renfermait
la musique de Le Maître , elle contenait toute sa fortune. Cette précieuse caisse , sauvée avec
tant de fatigue, avait été saisie en arrivant à Lyon , par les soins du comte Dortan, à qui le
Chapitre avait fait écrire pour le prévenir de cet enlèvement furtif. Le Maître avait en vain
réclaméson bien, son gagne-pain, le travail de toute sa vie. La propriété de cette caisse était
au moins sujette à litige : il n'y en eut point. L'affaire, fut décidée à l'instant même par la loi
du plus fort, et le pauvre Le Martre perdit ainsi le fruit de ses talents, l'ouvrage de sa jeunesse,
et la ressource de ses vieux jours. (GoNF., livre IV).
  (3) Curé de Seyssel (Ain).
  Ç4) CONFESSIONS, livre ni.