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493 h ô t e l s , des flèches, des chapiteaux ; des prières et des sou- venirs. Chaque soir, le tam-tam mélancolique du couvre-feu vient évoquer les fantômes de ces antiques demeures sur qui plane la statue mutilée de Rolland-le-Preux , du haut des r u i - nes de son castcld'où l'on croit entendre sortir, au son de la cloche nocturne , l'exclamation formidable du 13 e siècle : « Réveillez-vous, bonnes gens qui d o r m e z , et priez Dieu pour l'âme des trépassés ! » Ce n'est point une légende amoureuse , ni le manuscrit d'un nouvel Iseult (1) que je lire de ses poudres féodales , mais une simple esquisse dont les lueurs du passé réhaus- sent mystérieusement les pâles reliefs : une médaille funé- raire , écusson d'un côté , monnaie de l'autre ; représentant sur un revers la figure hâlée d'un rapsode homérique , sur le revers opposé , le masque grimaçant d'un paillasse ; puis , sur le second plan , à travers un nuage , comme dans les étranges pastiches où l'artisle silhouette les doubles person- nages d'un drame lugubre créé par sa fantaisie , apparaîtra le fou, vision souterraine, le fou, errant dans ses manoirs dé- serts où il cherche en vain sa pensée disparue , le fou , qui jette des pierres au rapsode , parce que celui-ci le singe. Ori- ginaux, cadre et personnages , tout est historique; je ne fais qu'assembler les couleurs. Le 1 er juin 1833 , j'étais plongé dans ma lecture favorite des Feuilles d'Automne. Tout à -coup j« fus arraché à mes fantas- ques rêveries par les cris d'une nuée d'enfants groupés sous mes fenêtres. Je courus à mon balcon , avec celte cupidité du nouveau qui nous d é v o r e , et celte fois je ne fus pas déçu de mon espoir. Le spectacle que je vis me frappa comme un songe d'Hoff- mann. Toutes les croisées voisines étaient bordées de têtes et d'yeux avides: une meute de p e u p l e , f e m m e s , enfants, (1) Délicieux poème, mêlé de prose et de vers , publié par M. Dussillet, I'ex-maire de Doles.