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420 « d'être cl de penser : tous les désirs trop vifs s'émoussent ; « ils perdent cette pointe aigûe quiles rend douloureux, ils ne «laissent au fond du cœur qu'une émotion légère et douce ; « et c'est ainsi qu'un heureux climat fait servir à la félicité de .tl'homme les passions qui font ailleurs son tourment. Je « doute qu'aucune agitation violente , aucune maladie de va- « peur put tenir contre un pareil séjour prolongé Mais un grand écrivain de notre siècle , s'est trouvé en dé- sacord avec Rousseau ; c'est M. de Chateaubriand. « Plut à Dieu , dit-il, qu'il en fut ainsi! qu'il serait doux de « pouvoir se délivrer de ses m a u x , en s'élevant à quelques « loises au-dessus de la plaine ! malheureusement l'ame de « l'homme est indépendante de l'air et des sites ; un cœur « chargé de sa peine n'est pas moins pesant sur les hauts lieux « que dans les vallées. L'antiquité qu'il faut toujours citer « quand il s'agit de vérité de s e n t i m e n t s , ne pensait pas « comme Rousseau sur les montagnes ; elle les représente au « contraire comme le séjour de la désolation et de la douleur. « Si l'amant de Julie oublie ses chagrins parmi les rochers du « Valais, l'époux d'Eurydice nourrit ses douleurs sur les « monts de la Thrace. Malgré le talent du philosophe gene- « vois , Je doute que la voix de Saint-Preux retentisse aussi « long-temps dans l'avenir que la lyre d'Orphée. OEdipe, ce « parfait modèle des calamités royales , cette image accom- « plie de tous les maux de l'humanité, cherche aussi les som- « mets déserts : . . Il va du Cithéron remontant vers les cieux , Sur le malheur de l'homme, interroger les dieux. M. de Chateaubriand , après avoir cité à l'appui de son opi- nion , une autre antiquité plus belle encore et plus sacrée , c'est-à -dire, celle que nous offre l'écriture s a i n t e , continue ainsi : « Il n'y a qu'une seule circonstance où il soit vrai que les « montagnes inspirent l'oubli des troubles de la terre ; c'est