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Les nœuds sont éternels, rien ne peut les briser;
Et, loin de s'affaiblir à l'ombre du mystère,
Je sens que chaque jour ma chaîne se resserre,
Au charme de son doux baiser.
Sous ces rameaux légers que le zéphir balance ,
Dans un harmonieux silence ,
Tout entier à l'amour je puis me recueillir !
Mon cœur, enivré d'espérance,
Au devant du bonheur s'élance....
L'heure sonne!... elle va venir!!
Taisons-nous!... écoutons: car sa marche est légère :
Le gazon est à peine effleuré sous ses pas;
Et lorsqu'à travers la bruyère,
Aimable et douce fée, elle accourt dans mes bras,
Si, guidé par l'amour dont il ressent l'ivresse,
Mon cœur la devine sans cesse ,
Bien souvent je ne l'entends pas.
Mais silence !... écoutons : par un caprice étrange
Digne d'elle, digne d'un ange!
Elle pourrait, peut-être , au lieu du rendez-vous,
Feindre d'avoir, ce soir , devancé ma présence ;
Et puis, pour me punir de mon indifférence,
S'armant d'un aimable courroux,
Me forcer, mille fois, pour calmer sa vengeance,
De demander grâce à genoux.
Elle viendra!.. — craignons de nous laisser surprendre!...
Mais quoi! le temps s'envole, et je l'attends en vain !
Ah ! d'un secret effroi je ne puis me défendre ;
Une terreur subite a passé dans mon sein....
Aux champs tout est muet, et sur l'airain sonore
La dixième heure a retenti,
Par un sommeil profond tout est appesanti ,
Qui peut la retenir encore?
Dieu! serait-ce sa mère? un funeste hasard
Aurait-il révélé le secret de son ame?...
Ou ce matin , moi-même, ai-je par un regard
Devant elle trahi ma flamme?