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S 96 divisée en deux grandes écoles , en deux camps que nous pourrions personnifier dans M. Ingres et M. De Laroche. Ces deux noms étaient le programme d'un duel entre deux pein- tures , entre deux idées : la peinture de la forme extérieure , du contour, commencée et développée par l'admirable pin- ceau de David, et la peinture de la forme musclée , de la forme agissante , si je puis dire ainsi, celle qui se fait sentir palpitante par les nerfs et les articulations, celle de Buo- narotti, de Géricault, de M. Ingres. Ceci est une remarque essentielle, et qui tient aux fondements les plus intimes de l'art : il ne suffit pas de l'exactitude du trait, de la sévérité du contour , du jansénisme rigoureux de la forme, il faut encore que le plein du membre ainsi arrêté et précisé soit vivant par le mouvement, et non d'une molle et flasque pâte, comme le mannequin qui sert de modèle. La vie n'est pas à l'épi- démie seulement, elle est aussi et surtout dans les nerfs , cordes vibrantes de notre organisation. Ce n'est donc pas tout que lécher d'un coup de pinceau rose et couleur de chair le dessin d'une forme, le bord d'un contour, il faut encore remplir, accentuer à l'intérieur, exprimer par la saillie ou l'enfoncement des parties. M. Ingres avait le premier fait une énergique protestation contre la mollesse et le velouté de la chair par son saint Sym- phorien : nous le dirons même franchement, parce que nous savons sacrifier nos sympathies à la vérité , la réaction a été trop impétueuse, il est tombé dans un vice opposé ; il a voulu tout rendre, et il est devenu parfois minutieux, tout faire sentir et il s'est trouvé dur. Mais quelqu'aient été les défauts de la belle toile de son martyr, ce n'en n'était pas moins une œuvre admirable , révélant une grande conscience et une personnalité énergique dans le talent du peintre. Depuis lors, le maître est allé sous le ciel d'Italie., étudier le Sanzio et les divines madones. Il a pu rencontrer un homme errant comme lui dans la grande solitude romaine , etcherchant une nouvelle forme, une nouvelle tendance à l'art.