page suivante »
394 Tout est morne dans les quartiers aristocrates. La Chaussée d'Anlin et St-Germain conspirent pour nous abandonner à nous- mêmes -, un grand silence se fait dans les lieux les plus fashio- nables de Paris, tandis qu'ailleurs la nature et la foule se re- muent activement. Toutes les deux se hâtent et se poussent aux Tuileries. L'une aux arbres et l'autre sous les arbres. Feuil- les et hommes, fleurs et femmes remplissent les allées et ani- mentles ombrages naissant; une étoile tremble à chaque bran- che ; les bourgeons retardataires s'ouvrent au soleil et à la vie; les ramiers viennent nous visiter et chassent les corbeaux croassant ; les grives et les merles sifflent autour de nous , et les rossignols chantent, dans la nature éveillée et heureuse , comme dans nos cœurs, leurs douces chansons d'amour. Mais à côlé de celte féerie de la nature, une autre féerie attire encore la foule ; les merveilles du Louvre s'étalent à côté des fraîches merveilles des Tuileries ; l'art et le prin- temps, ces deux jeunesses du cœur et du monde, se partagent nos deux palais royaux. Aux heures où le soleil commence à se faire trop chaud, les promeneurs abandonnent les Tuileries pour se réfugier au Louvre. Un autre éclatant spectacle se déroule à eux ; celte infinie variété de toiles , de couleurs , de tons , de su- jets , fatigue l'œil et la tête, comme un soleil lourd et chaud de juin , et la foule se relire bien vite „ épuisée par la jouis- sance et le plaisir des yeux, mais ayant à peine compris. • Ce n'est donc pas un de ces jours où les visiteurs adop- tent la galerie du Louvre comme une promenade, qu'un ami véritable de la peinture voulant la connaître et l'étudier dans ses moindres détails , doit venir se joindre à toutes ces figures ébahies et insoucieuses ; s'il veut entendre les explications go- guenardes des sujets, les conversations niaisement piquantes de quelque Cicérone, s'il veut subir les exclamations délicieu- ses des gardes nationaux échappés du poste voisin, oh ! il se jubilera et pourra se délecter à l'aise ; les types ne manquent point, et les groupes entassés dans la salle, valent mieux