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195 s o n , sans s'exposer à subir d'abord les mauvais traitements du vainqueur. Il faut donc savoir attendre que le gros de l'orage ait passé : c'est ce que nous fîmes. Plusieurs de nos concitoyens, sans distinction d'opinions politiques, nous offri- rent des asiles sûrs, et nous pûmes défier toutes les recherches toutes les ruses de la police. Pendant que la gendarmerie fouillait les montagnes de l'Auvergne pour y découvrir Edouard, il lui arriva d'être à L y o n , à causer paisiblement, dans un café, avec plusieurs commissaires de police qui lui faisaient les plus étranges révélations sur l'agent Cortès ré- cemment tué par une sentinelle. Moi-même , logé dans un appartement qui touchait le bureau d'un autre commissaire de police , j'y étais fort occupé par un travail littéraire, lors- qu'un étudiant en d r o i t , assez malheureux pour être mon homonyme et mon compatriote, se voyait arrêté, emprisonné, i n t e r r o g é , ballotté par toutes les autorités de Cherbourg où il s'était rendu de Paris pour passer plus joyeusement ses va- cances de Pâques. Faites donc des voyages d'agrément dans les temps de tourmente politique!.... — Mais les beaux jours de l'été avaient commencé à briller de leur long éclat. La gêne que notre situation nous imposait était très-fatigante. Nos parens , nos amis craignaient pour notre liberté et nous pressaient de quitter la France. L'époque à laquelle le procès, d'Avril paraissait devoir être c o m m e n c é , était encore fort éloignée; d'ailleurs, nous pouvions, quelque part que nous fussions, accourir en prison au moment de l'ouverture des débats. Cette dernière considération l'emporta et nous nous décidâmes à partir pour la Suisse. Un soir du mois de juillet, nous sortîmes de Lyon par la promenade si belle du faubourg St-Clair. Des parens des a m i s , plusieurs dames nous accompagnaient. C'était pour la ' dernière fois, peut-être, que j'avais traversé ma ville natale!.. Les arbres sous lesquels nous avancions avaient été témoins des scènes d'amour ou d'amitié les plus intéressantes de ma vie. A mesure que je les voyais fuir derrière m o i , ces arbres