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l'heure , lorsque nous nous aperçûmes que la moitié de la nuit
était passée. Rien n'était plus original que le groupe que nous
formions autour de M. Léopold. Toutes ces têtes d'hommes et
de femmes , animées de l'amour des arts, éclairées en dessous
par les bougies placées à terre , se détachaient en vigueur sur la
tenture sombre du salon. Je ne saurais faire comprendre sur quel
ion d'aisance familière et spirituelle la conversation était mon-
tée , à ceux qui ne connaissent pas les causeries véritablement
artistes. Là , tout en parlant peinture en gens du métier , il était
permis d'exprimer bruyament son enthousiasme , de risquer
des saillies, d'interrompre une question d'art, pour écouter
M. Léopold conter avec sa verve habituelle les plus piquan-
tes anecdotes ; là ? l'important n'était pas d'être remarquable ,
mais d'être amusant, spirituel ou enjoué. Ce fut pour nous un
de ces rares et délicieux niomens où l'esprit laisse reposer les
questions vivantes qui s'agitent dans la triste réalité, et s'aban-
donne avec délices à ces insoucieuses joies d'enfant, à ces folles
effusions ,' si entraînantes entre les êtres qui se conviennent.
Nous nous arrachâmes enfin à toutes ces séductions, mais
nous restâmes long-temps sous le charme prestigieux de cette
soirée, et je suis sûre qu'aucun de nous n'oubliera les rires in-
terminables qu'ont provoqués la vue de Bougival et surtout
l'inscription de certain lorgnon...... . . " ' • "
Àïllc Jane DUBUISSON.