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110 à ce tilrc vous avez des droits à ma sensibilité. Baignez per- mettre que je vous console dans vos derniers momens. Des larmes de tendresse coulèrent de ses yeux. Viens, me dit-il en m'ou- vrant ses bras ; viens, mon ami, je suis sensible à ta démarche. Tout sentiment d'humanité n'est donc pas éteint dans les cœurs? Tandis que tout m'abandonne, toi seul as le courage de venir me consoler. Il me serre dans ses bras, arrose mes joues de ses larmes. Àssieds-toi, me dit-il, j'ai des affaires à régler, lout-à - l'heure nous causerons ensemble. Je le laissai écrire. Quand il eut fini : Il est des malheureux dans celte prison, lui dis-je, dai- gnez les secourir. Tu as raison, me dit-il, et à l'instant son ame s'ouvre aux doux sentimens de la bienfaisance. Il récompense de son propre mouvement les gendarmes qui devaient l'accompa- gner à la mort; il dépose entre mes mains les derniers témoi- gnages de l'attachement sincère qu'il avait voue à une femme vertueuse. Bertrand, s'écrie-t-il en s'adressant au maire, que la même infortune avait précipité dans les cachots , Bertrand ! adieu, le plus tendre de mes amis! je vais mourir, mon heure est venue; ne crains rien , Chalier saura mourir d'une manière digne de la cause qu'il a soutenue. Adieu, mon ami, souviens- toi de ton père, souviens-loi de ce que je t'ai confié tu m'entends.... Adieu pour toujours! Tout le monde fondait en larmes, et je restai quelque temps immobile. Dominé tout à la fois par un sentiment de douleur et d'admiration : Pourquoi t'af- iliger, me dit-il, la mort n'est rien pour celui dont les intentions sont droites et dont la conscience fut toujours pure. Quand je ne serai plus, mon ame ira se perdre dans le sein de l'Eternel, dans cette immensité qui nous environne. Le moment fatal ar- rive, partons, me dit-il, l'heure de mon triomphe a sonné. L'exé cuteur lui attache lés mains. Pourquoi m'attacher? lui dit-il ; crains-tu que je veuille m'échapper? Il me recommande d'atta- cher à sa boutonnière un petit bonnet de la liberté suspendu à la cocarde de son chapeau, je lui rends ce dernier service. On m'arrache ce petit bonnet des mains, ils m'ôtent, mon ami, tous les emblèmes de la liberté, mais Chalier a la liberté dans le cœur, et rien ne pourra la lui ravir. Arrivé dans la rue Lan- terne, il m'adresse ces paroles remarquables : Mon ami, on dira