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105 prisonniers du 29 mai, et qui les mettait sous la responsabilité personnelle des autorités constituées ; on n'y eut aucun égard. Les amis de Chalier eurent d'abord beaucoup de peine à lui trou- ver un défenseur. Un nommé Moulin, avoué, se chargea de cette mission, qui n'était pas' sans danger à cause de l'exaspé- ration du peuple lyonnais, exaspération si grande que pendant l'instruction du procès les juges, les jurés, le défenseur et l'ac- cusé furent insultés et menacés plusieurs fois ; les témoins à dé- charge n'osèrent même pas se présenter ; le citoyen Bernarcon en eut seul le courage. Le jour du jugement arrivé^ à sis heures du matin, la salle d'audience était remplie. L'accusateur public ayant donné ses conclusions, accueillies par d'inconvenans bravos, Mc Moulin prit la parole et lutta plus d'une demi-heure contre les huées de l'auditoire; enfin il réussit à captiver son attention et fut religieusement écouté jusqu'à la tin. Chalier ensuite s'adres- sant à ses juges, s'exprima en ces termes: « Je me réfère entièrement aux moyens qui viennent de vous être développés par l'avoué Moulin, mon courageux et intrépide défenseur. Permettez-moi d'y ajouter quelques réflexions. Il pa- raît que les formes conservatrices que tout citoyen a le droit imprescriptible de réclamer, ne sont pas observées à mon égard ; car si vous les suiviez,, vous obéiriez au décret de la Convention Nationale, qui vous défend déjuger les prisonniers du 29 mai. Donc, en méjugeant, vous contrevenez à ce décret, que vous affectez inutilement de méconnaître. « D'un autre côté, pour le cas dont il s'agit au procès, vous êtes encore incompétens : le tribunal révolutionnaire séant à Paris a le droit seul d'en connaître, et vous ne m'y renvoyez pas. « J'ai récusé et je persiste encore à récuser formellement le citoyen président et le citoyen accusateur public. Pourquoi res- tent-ils opiniâtrement sur les rangs? Ils n'ignorent pas qu'ils sont compris dans les fameuses listes qu'il plaît à mes ennemis d'appeler listes de proscription. Peut-il exister un motif plus puissant de récusation? Magistrats, votre conscience, indépen- damment de la loi et de nos formes, ne vous fait-elle pas un de- voir de vous récuser ? « On vous force à siéger, me direz-vous; mais est-il une au-