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premières personnes qu'il vit furent Napoléon et Carnot. Carnot lui dit brusquement -.
est-ce vous qui prétendez faire ce queDieului-môme ne ferait pas, et former un nœud
sur une corde tendue ? Jacquard fut interdit par la présence du maître et ' par la
présence du ministre ; il ne put répondre un seul mot. Mais Napoléon, avec cette
condescendance des esprits supérieurs, le rassura, lui promit sa protection, et
l'encouragea à poursuivre ses recherches. Ce fut l'origine de sa fortune et de sa
gloire. Le voilà installé au Conservatoire. On lui ordonne de construire une machine
pour la confection des filets, et il la construit. Tous les secrets de la mécanique,
qu'il ne lui a pas été donné d'étudier dans les livres, ni avec les yeux de la science,
il les prend là sur le fait au milieu de toutes les merveilles de l'industrie. Bientôt
il découvrira le principe unique qui domine toutes les combinaisons du tissage. Un
châle magnifique , tissé pour Joséphine , sur un métier qui a coûté plus de vingt-
mille francs, lui donna l'idée d'appliquer à ces ouvrages de luxe un mécanisme
plus simple et moins onéreux; une machine oubliée de Vaucanson sera pour lui
cette lumière qui fait jaillir la puissance d'invention.
   La machine qui porte le nom de Jacquard parut à l'exposition de 1801. Le pre-
mier Consul récompensa cette admirable découverte par une pension annuelle
de six mille francs ; il avait prévu la révolution qu'elle devait opérer dans l'industrie.
Le Jury se montra moins clairvoyant. « Une médaille de bronze est accordée â
M. Jacquard, inventeur d'un mécanisme qui supprime un ouvrier dans la fabrica-
tion des tissus brochés. » Ce sont les propres termes du rapport.
   AParis, l'indifférence ; àLyon, la persécution. Lorsque Jacquard voulut intro-
duire sa machine, les ouvriers s'ameutèrent contre lui. De toutes parts on le dénon-
çait comme l'ennemi du peuple et l'homme qui devait réduire les familles à la
mendicité. Trois fois sa vie fut menacée, et cette haine aveugle en vint à une telle'
exaspération, que les prud'hommes crurent devoir détruire publiquement le nou-
veau métier. Il fut mis en pièces, sur la place des Terreaux, aux acclamations des
spectateurs. Selon l'expression toute biblique de Jacquard, le fer fut vendu pour,
du vieux fer, et le bois comme bois à brûler !
   Le besoin est l'excuse de ces erreurs. Le métier Jacquard supprimait, en effet,
un ouvrier dans la fabrication des étoffes de goût, et les hommes égarés qui le
repoussaient n'avaient pas compris qu'en simplifiant les rouages de la production
il devait multiplier le travail. Il donnait à l'industrie française le moyen d'étendre
ses produits dans le genre où la supériorité lui est acquise sur tousses concurrens,
dans les étoffes de luxe, qu'enrichit l'art du dessin. Déjà, et à mesure que le mo-
nopole des tissus unis échappait aux Lyonnais par la concurrence des fabriques
étrangères, celui des tissus de luxe prenait de plus grands développemens. En
 1788, sur quatorze mille sept cent quatre-vingt-deux métiers, Lyon n'en comptai'
que deux Cent quarante pour les étoffes façonnées ; en 1801, époque de la décou».
verte de Jacquard, le tissage des façonnésentrait pour deux mille huit cents métiers
 dans les sept mille que la fabrique alimentait encore malgré ses pertes. En 1812.»..