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BEVUE NÉCROLOGIQUE. Î2»*<=j JACQUARD. 1 y a trente ans les ouvriers ensoie, les CANUTS, de Lyon, étaient une race mi- sérable et abâtardie. On les distinguait aisément à leur costume héréditaire, au tricorne, aux bas chinés, à l'habit de velours. Mais ce qui faisait d'eux une es- pèce à part dans la population lyonnaise et dans l'industrie, c'était autre chose que la singularité des habitudes ou la forme des vétemens: ils portaient l'empreinte de la souffrance. A leurs membres grêles et difformes, a leur parole traînante, à leur physionomie pâle et résiguée , on voyait bien que le travail altérait en eux le principe de la vie. Ils se plaignaient peu, ils ne se révoltaient point; mais ce peuple d'ouvriers, malgré les émigrations des montagnards , qui venaient chaque année le renouveler, allait dégénérant et dépérissant tous les jours. Un coup-d'œil jeté sur les ateliers révélera toute l'étendue de leur misère. Le travail se faisait en famille, dans des taudis où le jour ne pénétrait qu'à travers des carreaux de papier. Les métiers les plus ricb.es, ceux qui tramaient en ara- besques variées l'or, l'argent et la soie , avaient un mécanisme coûteux, compli- qué, difficile à manier, embarrassé de cordes et de pédales. Cette fabrication était sujette à de fréquens chômages, pendant lesquels , pour supporter plus facilement une diète forcée , l'ouvrier était souvent réduit (ce fait n'est que trop vrai) , à se