LES BOIS CONSEILS

D'UN ENNEMI

L'affaire Schnaebele s'arrangera très probablement par une demi-satisfaction que le gouvernement allemand ne croira pas utile de nous refuser, et dont nous croyons qu'il serait impolitique de ne pas paraître nous contenter.

yi. de Bismarck a voulu refaire le coup de 1870 ; mais, cette fois-ci, il l'a manqué. Le sang-froid de la population et de la presse a déjoué le calcul du chancelier, qui avait espéré sans'doute voir se renouveler, à Paris, les scènes dont Madrid a été le théâtre, il y a deux ans.

Il a été déçu dans cette espérance. Il n'y a eu, sur les boulevards de Paris, aucune manifestation. Personne n'a crié : «A Berlin ! », comme après la prétendue insulte faite à M. Behedetti. On n'a pas lapidé l'hôtel de l'ambassade allemande, ni détérioré le drapeau de l'Empire, comme à Madrid, après l'incident des Carolines. Le chancelier ne peut donc pas prétendre qu'à un malentendu, à un léger tort de ses agents (c'est ainsi qu'il aurait caractérisé l'affaire de Pagny), nous avons répondu par un sanglant outrage et par une provocation. Il reste avec tous lès torts de son côté, et, malgré tout le désir qu'il peut en avoir secrètement, il lui est encore impossible de nous déclarer la guerre, cette fois-ci.

D'ailleurs, qu'on en soit bien convaincu, si M. de Bismarck veut réellement nous faire la guer.re, il ne veut pas nous la déclarer: Il a toujours manoeuvré, et il manoeuvrera toujours pour nous forcer à prendre cette initiative, afin de pouvoir exercer smr l'opinion publique, en Allemagne, une action qui serait bien difficile, si le chancelier ne se donnait pas l'apparence d'avoir été provoqué par nous.

On peut donc être à peu près certain qu'à moins d'incidents no uveaux venant tout-à-coup se greffer sur le premier, l'affaire de Pagny-sur-Moselle n'aura pas de suite.

Elle n'aura pas de suite, mais elle aura un ou plusieurs pendants, car si le ministre prussien, pour les motifs qu.e nous avons fait connaître pins haut, ne veut pas prendre franchement, devant l'Europe, la responsabilité de commencer la guerre, il n'en éprouve pas moins une grande hâte de la voir s'engager. Il a pour cela deux motifs : le premier, c'est qu'il redoute la puissance delà nouvelle organisation que le général Boulanger propose et que le par\ lementva Voter sans doute; le second c'est qu'il est bien difficile de

lancer un pays dans une grande guerre au lendemain d'un changefment de régime. Le deuil officiel, d'abord, en l'honneur du souverain décédé, les réjouissances également officielles, ensuite, en l'honneur du nouveau monarque, exigent un laps de temps assez long, et pendant tout ce temps-là on ne peut commencer aucune entreprise. Si l'affaire est engagée c'est tout autre chose. On continue malgré le deuil qui peut survenir et, pour les réjouissances, on attend la fin de la guerre.

Les fêtes du couronnement se confondent avec celles du triomphe si l'on est vainqueur ; et si l'on est battu elles servent de consolation.

Or l'âge et l'état de santé de l'empereur Guillaume permettent de supposer que le vieux souverain, toujours somnolent, peut s'endormir, à Pimproviste, de son dernier sommeil et M. de Bismarck,quilui,ne s'endort pas, voudrait, lorsque cet événement attendu se produira, que les deux pays fussent déjà aux prises. De là sa hâte, de là les efforts qu'il a faits et qu'il fera encore pour précipiter le dénouement.

Persuadé que la France est aujourd'hui inférieure à l'Allemagne au triple point de vue de la rapidité de mobilisation,du nombre des combattants exercés et de l'armement de l'infanterie, l'homme d'Etat allemand n'est pas moins certain que chaque jour qui s'écoule rapproche notre pays de l'époque où il sera dans des conditions d'égalité ou d'équivalence complète avec son adversaire.

M. de Bismarck a donc autant d'intérêt à brusquer les choses que nous en avons, nous, à temporiser. Et notre intérêt, c'est l'intérêt de l'Europe entière qui veut la paix; car le jour où, de l'autre côté des Vosges, on saura que la France est aussi forte que l'Allemagne, on cessera de vouloir se faire déclarer la guerre par i les Français. '

' Eviter de tomber dans les pièges

| que l'on nous tendra encore, sans

I aucun doute, et pousser activement

I la transformation de nos fusils, ainsi

j que notre réorganisation militaire,

j voilà les conseils pratiques que nous

i devons tirer de l'affaire Schnaebele,

et que nous donne involontairement

notre ennemi par sa provocation

maladroite.

ERNEST VAUQUELIN. «» —

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Contenu textuel de l'image : L'affaire Schnaebele s'arrangera très probablement par une demi-satisfaction que le gouvernement allemand ne croira pas utile de nous refuser, et dont nous croyons qu'il serait impolitique de ne pas paraître nous contenter.
Contenu textuel de l'image : yi. de Bismarck a voulu refaire le coup de 1870 ; mais, cette fois-ci, il l'a manqué. Le sang-froid de la population et de la presse a déjoué le calcul du chancelier, qui avait espéré sans'doute voir se renouveler, à Paris, les scènes dont Madrid a été le théâtre, il y a deux ans.
Contenu textuel de l'image : Il a été déçu dans cette espérance. Il n'y a eu, sur les boulevards de Paris, aucune manifestation. Personne n'a crié : «A Berlin ! », comme après la prétendue insulte faite à M. Behedetti. On n'a pas lapidé l'hôtel de l'ambassade allemande, ni détérioré le drapeau de l'Empire, comme à Madrid, après l'incident des Carolines. Le chancelier ne peut donc pas prétendre qu'à un malentendu, à un léger tort de ses agents (c'est ainsi qu'il aurait caractérisé l'affaire de Pagny), nous avons répondu par un sanglant outrage et par une provocation. Il reste avec tous lès torts de son côté, et, malgré tout le désir qu'il peut en avoir secrètement, il lui est encore impossible de nous déclarer la guerre, cette fois-ci.
Contenu textuel de l'image : D'ailleurs, qu'on en soit bien convaincu, si M. de Bismarck veut réellement nous faire la guer.re, il ne veut pas nous la déclarer: Il a toujours manoeuvré, et il manoeuvrera toujours pour nous forcer à prendre cette initiative, afin de pouvoir exercer smr l'opinion publique, en Allemagne, une action qui serait bien difficile, si le chancelier ne se donnait pas l'apparence d'avoir été provoqué par nous.
Contenu textuel de l'image : On peut donc être à peu près certain qu'à moins d'incidents no uveaux venant tout-à-coup se greffer sur le premier, l'affaire de Pagny-sur-Moselle n'aura pas de suite.
Contenu textuel de l'image : Elle n'aura pas de suite, mais elle aura un ou plusieurs pendants, car si le ministre prussien, pour les motifs qu.e nous avons fait connaître pins haut, ne veut pas prendre franchement, devant l'Europe, la responsabilité de commencer la guerre, il n'en éprouve pas moins une grande hâte de la voir s'engager. Il a pour cela deux motifs : le premier, c'est qu'il redoute la puissance delà nouvelle organisation que le général Boulanger propose et que le par\ lementva Voter sans doute; le second c'est qu'il est bien difficile de
Contenu textuel de l'image : lancer un pays dans une grande guerre au lendemain d'un changefment de régime. Le deuil officiel, d'abord, en l'honneur du souverain décédé, les réjouissances également officielles, ensuite, en l'honneur du nouveau monarque, exigent un laps de temps assez long, et pendant tout ce temps-là on ne peut commencer aucune entreprise. Si l'affaire est engagée c'est tout autre chose. On continue malgré le deuil qui peut survenir et, pour les réjouissances, on attend la fin de la guerre.
Contenu textuel de l'image : Les fêtes du couronnement se confondent avec celles du triomphe si l'on est vainqueur ; et si l'on est battu elles servent de consolation.
Contenu textuel de l'image : Or l'âge et l'état de santé de l'empereur Guillaume permettent de supposer que le vieux souverain, toujours somnolent, peut s'endormir, à Pimproviste, de son dernier sommeil et M. de Bismarck,quilui,ne s'endort pas, voudrait, lorsque cet événement attendu se produira, que les deux pays fussent déjà aux prises. De là sa hâte, de là les efforts qu'il a faits et qu'il fera encore pour précipiter le dénouement.
Contenu textuel de l'image : Persuadé que la France est aujourd'hui inférieure à l'Allemagne au triple point de vue de la rapidité de mobilisation,du nombre des combattants exercés et de l'armement de l'infanterie, l'homme d'Etat allemand n'est pas moins certain que chaque jour qui s'écoule rapproche notre pays de l'époque où il sera dans des conditions d'égalité ou d'équivalence complète avec son adversaire.
Contenu textuel de l'image : M. de Bismarck a donc autant d'intérêt à brusquer les choses que nous en avons, nous, à temporiser. Et notre intérêt, c'est l'intérêt de l'Europe entière qui veut la paix; car le jour où, de l'autre côté des Vosges, on saura que la France est aussi forte que l'Allemagne, on cessera de vouloir se faire déclarer la guerre par i les Français. '
Contenu textuel de l'image : ' Eviter de tomber dans les pièges
Contenu textuel de l'image : | que l'on nous tendra encore, sans
Contenu textuel de l'image : I aucun doute, et pousser activement
Contenu textuel de l'image : I la transformation de nos fusils, ainsi
Contenu textuel de l'image : j que notre réorganisation militaire,
Contenu textuel de l'image : j voilà les conseils pratiques que nous
Contenu textuel de l'image : i devons tirer de l'affaire Schnaebele,
Contenu textuel de l'image : et que nous donne involontairement
Contenu textuel de l'image : notre ennemi par sa provocation
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